Résumé : L’objectif principal de cette thèse consiste à retracer et analyser les récits nationaux azerbaïdjanais depuis la fin du XIXe siècle jusqu’en 2003. Il s’agit de s’interroger sur l’évolution des récits nationaux et d’analyser la construction discursive de l’identité azerbaïdjanaise. L’interrogation approfondie de la bibliographie spécialisée nous a révélé que cette question est insuffisamment développée jusqu’ici.Par son objet, cette recherche se situe au croisement de l’histoire politique azerbaïdjanaise et de la sociologie politique. Nous privilégions donc l’approche historique du politique. Comme méthode principale, l’analyse du discours s’effectue sur la base des données empiriques, collectées pendant l’enquête de terrain et la recherche documentaire. Il s’agit, entre autres, de données disponibles en plusieurs langues (azerbaïdjanais, russe, turc et anglais), d’entretiens d’experts, ainsi que d’articles de presse (formelle et informelle) des périodes étudiées.Les hypothèses que nous avançons et que nous essayons d’étayer par notre étude sont les suivantes : conformément à la première hypothèse, le profil sociologique des acteurs détermine le contenu et le caractère du discours. Par conséquent, les récits nationaux de personnes représentant différentes socialisations sont susceptibles d’être en contradiction les uns par rapport aux autres. Quant à la deuxième hypothèse, elle est basée sur la « triade relationnelle » de Rogers Brubaker, qui suggère que les récits nationaux des pays succédant aux empires d’Europe orientale sont cadrés par des dénominateurs communs. Ces dénominateurs sont le nationalisme nationalisant, y compris la rhétorique victimaire sur la majorité ethnique du pays, les minorités ethniques vivant sur le territoire et les co-ethnies vivant au-delà des frontières du pays.Cette recherche s’organise en deux parties. Le cadre d’analyse général de ce travail ainsi que les bases analytiques et théoriques sont présentés dans l’introduction. La première partie porte un regard sur la genèse et l’évolution de l’idée nationale azerbaïdjanaise. Tout d’abord, nous nous concentrons sur la période allant de la fin du XIXe siècle à la fin de la période soviétique. Ensuite, nous consacrons un chapitre entier au développement de l’idée d’Azerbaïdjan lors du mouvement contestataire de 1985-1992. L’analyse de cette période se fait à l’aide d’articles de la presse formelle et informelle de l’époque. La deuxième partie permet d’analyser la construction discursive post-soviétique par deux présidents de la République d’Azerbaïdjan, dont Abulfaz Elchibey (1992-1993) et Heydar Aliyev (1993-2003). Cette analyse comparative s’effectue sur la base de leurs communications publiées dans la presse et dans d’autres sources que nous avons compilées.Sur le plan analytique, cette recherche développe le fait que les théories testées adoptent une vision très tranchée entre différentes visions de construction nationale azerbaïdjanaise. Le présent travail prend en compte la complexité de la construction discursive en Azerbaïdjan et toutes les nuances qui se situent entre ces deux options.Ce travail nous permet de constater que les récit nationaux bottom-up a, de manière générale, des dimensions turciques. En même temps, la territorialité et la langue constituent l’essentiel du récit national top-down. Pourtant, il existe des aspects communs des récits nationaux successifs, notamment des récits post-soviétiques. Il s’agit de la rhétorique victimaire et la reconnaissance, à des degrés variés, des co- ethniques vivant dans des pays voisins comme azerbaïdjanais.