Résumé : L’origine de la distribution des espèces de plantes endémiques d’Afrique centrale occidentale (ACO), un territoire essentiellement forestier et parmi les plus riches en espèces du continent, questionnent depuis longtemps les biogéographes. Il a été suggéré que l’aire de distribution des espèces forestières se serait contractée au sein de quelques refuges forestiers pendant les périodes de maximums glaciaires, où le climat était plus froid et plus sec, et certaines espèces n’auraient pas suivies l’expansion de la forêt lorsque le climat est redevenu plus favorable. Ainsi, la concentration d’espèces forestières endémiques d’aires restreintes refléterait les anciennes zones de refuges forestiers. L’identification des territoires abritant une forte richesse en espèces endémiques et/ou menacées d’extinction est également cruciale dans le cadre de la mise en place de stratégies de conservation.Cette thèse a un double objectif : (i) étudier dans quelle mesure la distribution actuelle des espèces forestières endémiques d’ACO peut être expliquée par leur persistance au sein de refuges forestiers durant les maximums glaciaires du Quaternaire ; (ii) analyser si les stratégies de conservation actuellement en place au Gabon, un pays situé au centre de l’ACO, protègent les espèces de plantes endémiques et menacées d’extinction. Pour réaliser ces objectifs, une compilation et une vérification des 19 876 occurrences des 1 145 taxons (espèces et infra-espèces) endémiques d’ACO, ont été effectuées. Au total, environ 13% de la flore d’ACO est endémique de cette région, dont 88% sont des taxons forestiers. Nos résultats montrent que la capacité de dispersion des taxons et l’hypothèse des refuges forestiers semblent être des facteurs explicatifs des différences de taux d'endémisme entre les formes de croissance et entre les groupes taxonomiques. L’analyse de la distribution spatiale des espèces forestières endémiques a mis en évidence la présence de dix aires d’endémisme forestier en ACO, dont six sont en partie congruentes avec les massifs montagneux et la partie côtière de la région, territoires proposés comme refuges forestiers dans la littérature. Nos résultats suggèrent cependant que d’autres refuges forestiers auraient pu exister plus à l’intérieur du continent. Se basant sur le postulat que les refuges forestiers se sont maintenus pendant les maximums glaciaires grâce à la présence de l’eau dans le sol ou dans l’air accessible aux plantes, nous avons défini des refuges hydrologiques dans quatre types de zones dans lesquelles la forêt aurait pu se maintenir : (i) les parties planes autour des principaux cours d’eau, (ii) les fonds de vallées des zones de basse altitude, (iii) le littoral et (iv) les zones montagneuses soumises aux masses d’air océanique. Leur répartition permet de proposer une explication quant à la présence actuelle des différentes aires d’endémisme forestier mais n’explique pas complètement les patrons de richesse spécifique en endémiques. L’hypothèse des refuges hydrologiques constitue donc une piste pertinente pour expliquer la distribution actuelle des espèces forestières endémiques d’ACO mais d’autres facteurs, tels que la distribution des gradients environnementaux ou l’impact de l’Homme sur les forêts, doivent également être considérés. Enfin, l’évaluation préliminaire du statut du risque d’extinction des espèces selon les Catégories et les Critères de la Liste Rouge de l’Union International pour la Conservation de la Nature, selon une méthode semi-automatisée développée dans ce travail, et l’analyse de la distribution des espèces ont montré que les Parcs Nationaux du Gabon ne protègent pas une part importante des espèces endémiques et menacées d’extinction du pays. Toutefois, le manque d’exploration botanique dans la plus grande partie de ces parcs pourrait expliquer en partie ce constat.
The origin of the distribution of plant species endemic to western Central Africa (WCA), an area dominated by forests and among the continent’s richest in species, has long been questioned by biogeographers. It has been suggested that the ranges of forest species contracted to within a few forest refugia during periods of glacial maxima, when the climate was cooler and drier, and that some species may not have followed the re-expansion of forest when climatic conditions became more favorable. The concentration of forest species endemic to restricted areas would thus reflect the former areas of forest refugia. The identification of areas rich in endemic and/or endangered species is also crucial for implementing efficient conservation strategies. This thesis has two objectives: (i) to investigate the extent to which the current distribution of forest species endemic to WCA can be explained by their persistence within forest refugia during the Quaternary ice-ages; (ii) to analyse whether the conservation strategies adopted in Gabon, a country located at the centre of WCA, protect the country’s endemic and endangered plant species. To achieve these objectives, a compilation and verification of 19,876 occurrences of the 1,145 taxa (species and sub-species) endemic to WCA were performed. In total, about 13% of the flora of WCA is endemic to the region, 88% of which are forest taxa. The results show that the dispersal capacity of taxa and the forest refugia hypothesis seem to be explanatory factors for the differences observed in the rate of endemism between growth forms and between taxonomic groups. The analysis of the spatial distribution of endemic forest species revealed the presence of ten areas of forest endemism in WCA, six of which are partly congruent with the mountain ranges and the coastal part of the region, areas proposed in the literature as forest refugia. The results suggest, however, that other forest refugia may have existed further inland. Based on the assumption that forest refugia were maintained during glacial maxima thanks to the presence of accessible moisture present in the soil or the air, we defined four types of hydrological refugia in which the forest cover could have been maintained: (i) flat areas along major rivers, (ii) valley bottoms in hilly lowland landscapes, (iii) coastal areas, and (iv) mountainous areas exposed to oceanic air masses. Their distribution explains the presence of the different areas of forest endemism found in the region but does not fully account for the patterns of richness in endemic species. The hypothesis of hydrological refugia is thus relevant for explaining the current distribution of forest species endemic to WCA, but other factors such as the distribution of environmental gradients or the impact of humans on forests must also be considered. Finally, the preliminary assessment of the risk of extinction of species according to the Categories and Criteria of the International Union for Conservation of Nature’s Red List, using a semi-automated method developed for this work, and an analysis of species distributions, showed that the National Parks of Gabon fail to protect a significant portion of the country’s endemic and endangered species, although a lack of botanical exploration in most parks may partially explain this finding.