Thèse de doctorat
Résumé : Ce projet comportait deux grandes étapes clés : 1/ L’identification et l’isolation de cellules fœtales à partir d’un frottis de col utérin chez la femme enceinte. 2/ La réalisation d’analyses moléculaires et cytogénétiques à partir de quelques cellules. Nous avons principalement cherché à développer l’analyse génétique par la technique de CGH-array. Pour cette seconde partie, le nombre théorique de cellules fœtales pouvant être isolées à partir d’un frottis de col utérin était nettement insuffisant pour fournir la quantité d’ADN nécessaire à la réalisation de la technique. En effet, le nombre de cellules trophoblastiques isolées à partir d’un frottis exocervical a été décrit comme compris entre 10 et 60 cellules (Pfeifer et al. 2016). Sachant qu’une cellule représente en moyenne 6pg d’ADN et que nous devions engager au minimum 100µg pour pouvoir réaliser la technique de CGH-array, il était évident que nous n’aurions pas assez de matériel génétique fœtal. Une étape intermédiaire d’amplification du génome complet ou de « Whole Genome amplification » (WGA) s’avérait donc nécessaire et devait être mise au point afin de pouvoir obtenir un ADN de qualité en quantité suffisante pour la réalisation de la technique de CGH-array (aCGH) sur quelques cellules. Cette étape d’amplification du génome complet (WGA) a, parallèlement, servi à mettre au point le dépistage préimplantatoire (DPI) au stade « blastocyste » (jour 5 du développement embryonnaire) et à l’implémenter en routine en « Procréation Médicalement Assistée » (Service de la Fertilité de l’Hôpital Erasme). L’intérêt de son développement durant ce travail de thèse était donc leur objectif commun : réaliser une analyse génétique par CGH-array sur seulement quelques cellules. Pour le projet initial, le but était de faire du diagnostic par CGH-array sur quelques potentielles cellules fœtales isolées d’un frottis de col maternel. Au cours de la mise au point du DPI J5, le but était de faire du diagnostic d’anomalies chromosomiques par CGH-array sur une à quelques cellules biopsiées d’un embryon (DPI SR ± A). Dernièrement, une méta-analyse des diagnostics prénataux invasifs par CGH-array, effectués entre 2016 à 2019 au sein du Centre de Génétique Humaine – ULB, a été réalisée comme troisième point de ce travail de thèse. Les objectifs étaient d’avoir une réelle vue d’ensemble sur les différentes techniques de diagnostic prénatal, de comparer les données actuelles à celles publiées antérieurement en Belgique et de nous positionner par rapport à une littérature plus globale.Le Chapitre B. traite la première étape du projet et consiste en la mise au point d’une méthode de collection, de détection et d’isolation de cellules d’origine fœtale à partir d’un frottis de col utérin chez la femme enceinte dès 5 semaines de grossesse. Le but principal était de développer une technique fiable, reproductive, précoce et non invasive de diagnostic prénatal non invasif sur cellules trophoblastiques retrouvées dans le col utérin maternel. Après avoir réalisé la revue de la littérature du diagnostic prénatal non invasif sur cellules d’origine fœtale retrouvées dans le tractus génital de la femme enceinte, nous avons choisi de mettre au point une technique innovante associant la méthode de prélèvement cervical la moins invasive à une méthode d’isolation cellulaire objective (non basée sur isolation par reconnaissance morphologique) offrant une grande pureté cellulaire et réalisable aisément à grande échelle en routine. Dès lors, nous avons choisi d’utiliser un frottis de col utérin « exocervical » utilisant une cytobrosse particulière (broom-like) puisqu’il s’agit de la technique de prélèvement cervical décrite comme la moins invasive (Pfeifer et al. 2016) et utilisée en routine lors des consultations gynécologiques comme test de dépistage du cancer du col de l’utérus, y compris chez la femme enceinte quand cela s’avère nécessaire. Comme méthode de purification cellulaire, nous avons choisi de tester des techniques d’immunoisolation au moyen d’anticorps ciblant l’antigène trophoblastique HLA-G. Préalablement à l’application sur frottis exocervicaux, nous avons validé notre technique sur des lignées cellulaires « contrôles ». Les conditions optimales de traitement de l’échantillon et de son immunomarquage avec des anticorps anti-HLA-G ont donc d’abord été établies par immunohistochimie sur des lignées cellulaires HLA-G positive et HLA-G négatives. Elles ont ensuite été appliquées aux frottis de col de femmes enceintes et non enceintes en IHC, puis adaptées pour l’immunoisolation cellulaire par « Flow Activated Cells Sorting » (FACS) et « Magnetic Activated Cells Sorting » (MACS). Enfin, nous avons appliqué, sur frottis exocervicaux, la « digital droplet Polymerase Reaction Chain » (ddPCR), une technique sensible et quantitative des évènement rares dans le but d’estimer le nombre de cellules fœtales potentiellement retrouvées dans ce type de prélèvement.En collaboration avec le Laboratoire de la Fertilité, nous avons mis au point la technique de biopsie de l’embryon au jour cinq, lorsqu’il forme le blastocyste, afin de pouvoir prélever en moyenne 5 cellules (2-10 cellules) du trophectoderme (futur placenta) sans toucher à la masse cellulaire interne (futur embryon). Cette technique offre la possibilité de détecter une anomalie génétique ciblée (DPI moléculaire) et nous a également permis de mettre au point la technique de diagnostic prénatal non invasif par CGH-array sur cellules embryonnaires. Réaliser la technique de CGH-array sur quelques cellules était donc le défi de cette partie du travail puisque la détection reproductible des CNVs (Copy Number Variation) par cette technique nécessite en moyenne 200ng d’ADN. Bien qu’il soit possible de la faire sur une quantité minimale de 100ng, cela reste nettement supérieur à ce que l’on peut obtenir par biopsie de 1 à 10 cellules embryonnaires sachant qu’une cellule comporte environ 6pg d’ADN dans son noyau. Pour surpasser cette limite quantitative, une étape intermédiaire d’amplification du génome complet (Whole Genome Amplification ou WGA) s’avérait nécessaire. Le DPI au jour 5 est ainsi utilisé en routine depuis 2019 et un bilan des embryons testés sur un an a été réalisé. Toute cette partie du travail est détaillée dans le Chapitre C.Le Chapitre D. reprend la méta-analyse des diagnostics prénataux par CGH-array, réalisés sur procédures invasives. Les objectifs de ce travail étaient d’obtenir une vue générale de différentes fréquences en termes d’indications d’un diagnostic prénatal, de diagnostics d’anomalies génétiques et de déterminer si une information clé en ressortait. Cette étude nous a permis d’obtenir des informations essentielles sur l’apport de l’analyse prénatale par CGH-array telles que l’indication de diagnostic prénatal invasif la plus fréquente, le nombre de diagnostics effectués en présence d’un signal d’appel fœtal, c’est-à-dire le nombre de CNVs (Copy Number Variation) pathogéniques diagnostiqués en présence d’un signe d’appel fœtal (population pathogénique) ou encore la fréquence de découvertes fortuites dans une population où la procédure invasive n’est pas réalisée pour effectuer une CGH-array en première intention, c’est-à-dire lorsqu’un CNVs pathogénique était diagnostiqué par la technique sans présence d’anomalie fœtale. De même, cette étude a permis d’aborder la problématique des VOUS en évaluant si de nouveaux liens entre le génotype et le phénotype pouvaient être établis afin d’éventuellement reclasser le CNV en tant que variant bénin ou pathologique. Elle a enfin permis de rechercher une éventuelle récurrence de certains CNVs non bénins ainsi que de revoir les locus de susceptibilité et leur potentiel impact sur l’évolution de l’enfant.