Résumé : Le Demodex, petit acarien vivant dans les follicules pilo-sébacés de tous les humains adultes, est reconnu responsable des démodécies chez l’homme mais n’est considéré dans la rosacée, au plus, que comme un facteur aggravant potentiel d’une inflammation préexistante. Toutes nos observations, depuis 1983, convergent vers la confirmation de son rôle pathogène dans la rosacée, et suggèrent des liens physiopathologiques clairs entre rosacées avec papulopustules (RPP) avec ou sans érythème permanent, rosacée érythématotélangiectasique (RET), pityriasis folliculorum et autres démodécies. (1) Dans les biopsies cutanées, le Demodex est associé à l’inflammation périfolliculaire. (2) Le concept de densité en Demodex a été introduit et une méthode de prélèvement standardisée permettant de mesurer cette densité a été développée, puis perfectionnée. (3) Elle a permis de montrer que cette densité était nettement supérieure chez les patients atteints de démodécie et de RPP, que chez ceux avec peau saine et ceux atteints d’autres dermatoses faciales, les patients avec RPP sans prolifération en Demodex étant exceptionnels. (4) Un test diagnostique hautement spécifique et sensible, utilisable facilement en consultation a été élaboré et validé. (5) Des signes cliniques discrets de ces dermatoses ont été mis en évidence, de même que la grande fréquence des démodécies en consultation de dermatologie (alors qu’elles sont très peu diagnostiquées). (6) L’effet acaricide sur le Demodex de six traitements topiques a été comparé in vivo et les meilleures molécules ont été utilisées pendant une vingtaine d’années : sur base des résultats collectés, l’efficacité du traitement a été démontrée, non seulement sur la densité en Demodex mais également sur les symptômes cliniques, tant parmi les démodécies que dans la RPP, ce qui prouve indirectement que la prolifération en parasites n’est pas un épiphénomène mais est bien la cause de la maladie. (7) Parmi les modalités comparées, les plus intenses ont une efficacité plus rapide et une meilleure compliance. (8) La RET peut correspondre à une démodécie subclinique et est probablement un facteur favorisant la prolifération des parasites, tout comme le sont probablement l’hyperplasie sébacée et l’hypothyroïdie, tandis que la cortisone semble limiter leur prolifération quand celle-ci est excessive. (9) Les similarités et les confusions nosologiques entre les démodécies et les différentes formes de rosacée ont été mises en évidence, afin de montrer que ces dermatoses ne sont vraisemblablement que des phénotypes d’une seule et même maladie : ce sont toutes des démodécies. (10) Trois systèmes d’attribution d’une cause à une maladie convergent pour confirmer le rôle pathogène du Demodex dans la RPP. Nos observations doivent être confirmées par des études longitudinales et des études contrôlées, mais d’ores et déjà, ajoutées aux données actuelles de la littérature, elles nous semblent suffisantes pour reconnaître le rôle pathogène du parasite en médecine humaine et dans la rosacée en particulier. Cette reconnaissance donnerait une définition principalement étiologique à la rosacée, la classerait parmi les démodécies, et en faciliterait la prise en charge et le traitement. Nous proposons une hypothèse physiopathologique originale où le Demodex se trouve au centre d’un réseau causal « en toile d’araignée », la RPP étant considérée comme une infection chronique s’accompagnant d’épuisement lymphocytaire.
Demodex folliculorum and Demodex brevis are small mites living in the pilosebaceous follicles of all adult humans. They are known to be responsible for demodicosis in humans but in rosacea are generally considered only as a potential aggravating factor of pre-existing inflammation. However, our observations since 1983 converge towards a pathogenic role of the Demodex mite in rosacea, and suggest clear pathophysiological links between rosacea with papulopustules (PPR) with or without persistent erythema, erythematotelangiectatic rosacea (ETR), pityriasis folliculorum and other demodicoses. Summarising our findings: (1) In skin biopsies, Demodex is statistically associated with perifollicular inflammation. (2) The concept of Demodex density was introduced and a method to measure it using two consecutive standardized skin surface biopsies was developed and refined. (3) It was shown that Demodex density was significantly higher in patients with demodicosis and PPR than in those with healthy skin and with other facial dermatoses; patients with PPR without Demodex proliferation detected are rare, and the few cases that do occur likely correspond to false negative results linked to proliferation of the mites deep in the pilosebaceous follicles, thus not detected by the sampling method. (4) A highly specific and sensitive diagnostic test based on the results from two consecutive standardized skin surface biopsies was developed and validated and can be easily used during clinical consultation. (5) Less well-known clinical signs of these dermatoses were highlighted, as well as the high frequency of demodicoses in dermatologic consultations (although they are under-diagnosed). (6) The acaricidal effect of six topical treatments on Demodex was compared in vivo and the best molecules were used for about 20 years in our practice. From data collected from our patients during this time period, the efficacy of the treatment was demonstrated, not only on Demodex density but also on clinical symptoms, both in demodicosis and in PPR, indirectly showing that parasite proliferation is not an epiphenomenon, but is the cause of the disease. (7) Of the treatment modalities compared, those that were more intense worked more rapidly and had better compliance. (8) ETR may correspond to subclinical demodicosis and is probably a condition that favours parasite proliferation, as are sebaceous hyperplasia and hypothyroidism; cortisone seems initially to favour mite proliferation, but to limit it when Demodex density is very high. (9) The similarities and nosological confusion between demodicosis and the different forms of rosacea were highlighted, showing that these dermatoses are probably phenotypes of one and the same disease: they are all demodicoses. (10) Three systems used to attribute disease causality converge to confirm the pathogenic role of Demodex in PPR. Our observations need to be confirmed by longitudinal and controlled studies, but, combined with current data in the literature, they seem sufficient to recognise the pathogenic role of the parasite in human disease and in rosacea in particular. This recognition would enable a mainly aetiological definition to be given to rosacea, would classify it among the demodicoses, and would facilitate its management and treatment. We propose an original pathophysiological hypothesis in which Demodex is at the centre of a causal network, with PPR being considered a chronic infection accompanied by lymphocyte exhaustion.