Résumé : Le Liban est un pays à l’économie ultra-libérale basée sur la rente financière, foncière et immobilière. Dans ce contexte, au cours du dernier quart de siècle, l’architecture a pris une nouvelle forme, essentiellement celle de tours résidentielles aux enveloppes formelles, aux structures gesticulatoires, avec des allusions iconiques, cherchant à ébahir et éblouir à l’image de l’architecture iconique globalisée. Petit à petit, la logique conceptuelle sous-tendant cette nouvelle architecture s’est généralisée dans la conception des bâtiments de moindre taille et participe aujourd’hui à la composition des espaces et paysages quotidiens locaux. La présente thèse entend analyser le rapport entre cette architecture produite globalement et le contexte local, ses mécanismes d’insertion et de propagation, et sa participation dans la redéfinition de la relation des habitants à l’espace, codifiant, stimulant ou contredisant les pratiques socio-spatiales (effets socio-culturels) participant au changement socio-culturel, global et local, en cours. Au niveau théorique, elle s’insère dans le cadre des analyses portant sur le rapport entre le global et le local et mobilise des écrits autour du rôle et les modes de production de l’architecture iconique ainsi que le tryptique espace conçu, perçu et vécu. La thèse élabore ainsi la notion d’architecture-publicité pour conceptualiser l’interdépendance croissante entre les objectifs commerciaux de ces opérations immobilières et leurs effets socio-culturels, caractéristiques propres au phénomène publicitaire, où règne une prédominance de l’image sur la réalité dans une logique plus générale de marchandisation de la forme architecturale.La démarche démonstrative s’articule autour de trois axes. Dans un premier temps, la thèse situe l’objet analysé, ‘les tours résidentielles iconiques’, dans le contexte général de l’urbanisation sur le territoire Libanais et de ses principales tendances, l’analyse du cadre règlementaire permet de détecter, de visualiser et de décrire la manière dont les tours iconiques s’insèrent et mitent les tissus urbains existants de trois principales agglomérations au Liban (Beyrouth, Trablos et Saïda) offrant une représentativité du cas d’étude ; ces trois agglomérations sont ensuite étudiées à travers l’analyse de leur croissance urbaine suivant une ligne de temps précise permettant de rendre compte de l’interdépendance entre les mutations urbaines et celles économico-politico-socio-culturelles en cours ; enfin, elle s’attarde à discerner les décalages entre le conçu, le perçu et le vécu dans les différentes phases de mutations de l’architecture, permettant de caractériser la logique conceptuelle élaborée par l’architecte face au contexte et d’étudier comment elle se concrétise dans l’espace urbain au regard des mutations dans les pratiques socio-spatiales anciennes et actuelles.La thèse montre qu’au Liban, la généralisation des vecteurs conceptuels de l’architecture des tours résidentielles iconiques redéfinit le rapport du bâtiment au contexte au niveau des relations de voisinage, et en lien avec les espaces de communication de l’architecture (le balcon, le palier, la porte d’entrée, la fenêtre, la porte, l’escalier) ; elle contredit et stimule ainsi de nouvelles pratiques spatiales en lien avec le changement socio-culturel en cours. Des analyses futures pourront préciser si ces mutations finiront par obéir à la structure proposée ou imposée par l’architecture-publicité au Liban, ou bien, si elles seront recyclées et tempérées. Elle montre enfin que malgré l’ampleur des mutations, le nouvel ordre contraignant du lieu est contré par des résistances et des survivances prouvant ainsi que les questions de la relation des habitants à l’espace et du rapport entre le global et le local restent problématiques.