Résumé : La répartition fortement inégale des niveaux d’engagement entre personnes utilisant les sites web de participation citoyenne (e-forums, sites de pétitionnement en ligne, etc.) est l’une des caractéristiques les plus connues de ces plateformes : alors que la majorité de leurs membres n’y participe que très peu, une petite minorité, souvent qualifiée d’« hyper-utilisatrice » (power users), y contribue abondamment. Cette minorité est sous-étudiée dans le corpus actuel de recherches portant sur la participation en cyberdémocratie ; cet article vise à combler cette lacune. En nous appuyant sur un jeu de données observationnelles unique, portant sur des centaines de milliers de personnes utilisant une plateforme de pétitions en ligne, nous montrerons que la quantité de temps libre, ainsi que le fait d’avoir eu un premier contact positif avec le site, sont des facteurs en favorisant un usage intensif. Nous montrerons également que les « hyper-utilisateurs et utilisatrices » sont plus efficaces que les membres habituels de ces sites dans leurs entreprises de mobilisation collective, mais que leurs centres d’intérêt diffèrent considérablement de ceux de la majorité utilisant moins intensivement ces sites. Cela signifie, globalement, que ces petits groupes exercent une puissante influence sur ces sites, avec un effet de distorsion à la clé.