Résumé : La technologie d’édition CRISPR peut être définie comme un outil biologique qui par son efficacité, son extrême précision et la facilité de sa modélisation, permet aujourd’hui de modifier le génome des organismes vivants en général et celui de l’homme en particulier. Sa découverte en 2012 par les chercheuses française et américaine, E. Charpentier et J. Doudna, récompensées par le Prix Nobel de chimie 2020, permet des applications thérapeutiques, au niveau germinal, pour des maladies à transmission autosomique dominante. Jusqu’ici, aucune technologie antérieure d’édition génomique, ni aucun diagnostic anténatal (DPI, DPN), n’avait été capable de prévenir ces maladies. En novembre 2018, le chercheur chinois Hé Jiankui annonce avoir utilisé la technologie CRISPR pour éditer des embryons humains viables. Selon Jiankui cette tentative consiste à modifier génétiquement des embryons humains en FIV afin de prévenir « définitivement » l’infection au VIH des futurs bébés. Cette modification génétique est ainsi transmissible à leur descendance. A partir de là, il s’est ouvert un tournant décisif de l’édition du génome humain héritable. Celui-ci s’apparente, dans notre contexte marqué par la convergence des NBIC, à une perspective transhumaniste. Car à la vérité, CRISPR n’aurait pas fait que prévenir l’infection au VIH chez ces bébés, il aurait surtout amélioré un caractère génétique conférant à ces derniers une immunité à vie contre le VIH-SIDA, avec pour principal corollaire, que de telles modifications sont héritables. Cette application non thérapeutique controversée, nous a conduit à nous demander successivement s’il est souhaitable de se servir de la technologie d’édition du génome CRISPR-Cas9, pour corriger au niveau germinal ou embryonnaire, une anomalie génétique afin de préserver le futur enfant de certains handicaps qui pourraient mettre en péril sa santé ou alourdir sa vie ? Jusqu’où de telles modifications pourraient être jugées comme bénéfiques ou à risque pour l’enfant et qui en aurait l’ultime légitimité d’en juger ? Peut-on alors affirmer, qu’en regard de l’extrême étroitesse qui existe entre la finalité thérapeutique d’une modification génomique germinale ou embryonnaire et l’amélioration/l’augmentation génétique, le risque d’altération de la nature humaine et de fait, la sortie hors de l’espèce humaine devient inéluctable ?