Résumé : Encore relativement peu étudié, notamment du point de vue architectural, l’ordre des Célestins jouit d’un prestige important à la fin du Moyen Âge et durant la période Moderne en Europe de l’Ouest. Si la plupart de leurs monastères ont aujourd’hui disparu, un nombre restreint de sites dispose encore de vestiges. Le prieuré de Sainte-Croix-sous-Offémont, implanté en forêt de Laigue, à quelques kilomètres de Compiègne (Oise), figure parmi les mieux conservés. Fondé en 1331 par Jean de Nesle et Marguerite de Mello, le monastère conserve encore en partie son église, son cloître et ses bâtiments claustraux, dont certaines structures remarquables du XVIe siècle témoignent de l’introduction des formes italianisantes dans l’architecture en France. L’analyse minutieuse du bâti subsistant, des sources écrites et des documents graphiques, dessine l’évolution architecturale du monastère entre le XIVe et le XVIIIe siècle. Largement marqués par les racines érémitiques des premiers temps de l’ordre en Italie, les édifices des Célestins traduisent du rapprochement progressif des religieux vers les élites laïques de leur temps. À travers l’exemple de Sainte-Croix-sous-Offémont, c’est l’ensemble du patrimoine bâti des Célestins, et en particulier celui des établissements appartenant à la Province des Célestins de France, qu’il nous est donné d’explorer. Un examen particulier est, par ailleurs, donné au prieuré royal de Saint-Pierre-en-Chastres (Oise), maison mère de Sainte-Croix-sous-Offémont. Second établissement implanté en France par Philippe le Bel, son étude apporte une compréhension plus large de l’intérêt de la haute noblesse pour les Célestins, notamment à travers la présence de la chapelle fondée par Louis Ier d’Orléans à la fin du XIVe siècle. À terme, la compréhension des espaces architecturaux et des élévations des monastères de l’ordre permet d’établir de nouvelles perspectives quant aux pratiques et au mode de vie des religieux eux-mêmes. La recherche de sobriété architecturale, de même que le nombre peu élevé de religieux par monastère, se reflètent dans le décor et le plan de leurs édifices, spécifiquement dans leurs églises, souvent à vaisseau unique. Par ailleurs, la dualité de l’identité des religieux, ermites et cénobitiques, s’exprime particulièrement par la répartition du dortoir en cellules individuelles. L’architecture, la topographie, les vestiges matériels et l’histoire des Célestins révèlent l’organisation interne et externe de leurs monastères, mais aussi leur influence sur les sociétés médiévale et moderne avant leur disparition peu avant la Révolution.