par Spor, Marine
Référence Congrès conjoint ABSP - CoSPoF 2021 (7 - 8 - 9 avril 2021: Bruxelles)
Publication Non publié, 2021-04-09
Communication à un colloque
Résumé : Dans le cadre du Programme régional en Économie circulaire bruxellois (le PREC), le secteur textile apparaît comme un secteur important de revalorisation des déchets. Ce dernier est historiquement un des plus anciens à pratiquer la revalorisation à travers le commerce de la fripe. Aujourd’hui, il trouve un second souffle grâce à l’économie circulaire et pour le cas qui nous occupe, grâce au PREC. Ce secteur souffrant d’une surproduction massive, la seconde main apparaît au niveau du consommateur comme une solution peu coûteuse pour agir à leur niveau sur des problématiques éthiques et environnementales. Cette étude propose d’analyser les pratiques de consommation circulaire (voir les auteurs suivants Arnsperger et Bourg, 2016 ; Geissdoerfer et al., 2017 ; Kirchherr, Reike et Hekkert, 2017 ; Warde, 2014, 2015) sous l’angle d’une trajectoire de consommation, au sens de H. Becker (Becker, 1985). L’intérêt de l’utilisation du concept de carrière est de montrer le parcours de consommation des acteurs. Cette carrière est marquée par des déclics et des points de bascule, d’adoption et d’abandon de pratiques, des retours en arrière et surtout par le caractère incrémental de ces pratiques quotidiennes qui tendent à converger vers un point, une consommation idéale, le point zéro du déchet, jamais atteint, telle une droite asymptote. Notre hypothèse est que la carrière de consommation éthique est ainsi marquée par des apprentissages séquentiels, pour in fine, devenir un mode de vie, sauf si l’expérience échoue et provoque un retour en arrière dans les habitudes. Cette carrière de consommation implique-t-elle alors une trajectoire de résistance face à ces modes de surconsommation textile, par l’économie circulaire ? A l’aune d’une enquête menée entre 2018 et 2019 auprès de 40 consommateurs de la région bruxelloise, il apparait que le statut de militant est nié, voire rejeté, par la plupart de nos enquêtés. C’est la chercheuse qui du fait de son analyse leur assigne cette étiquette de consommateur engagé. Hollander et Einwohner (Hollander et Einwohner, 2004) définissent huit types de résistance en fonction de l’intention derrière l’acte et de la reconnaissance de l’acte par la cible et par un observateur. Nous sommes ici dans le cas d’une « covert resistance » (une résistance secrète, affirmée pour l’intention de l’enquêté.e, mais marquée par l’absence de reconnaissance par la cible). La difficulté à se reconnaître pour les enquêté.e.s comme étant des militants émanerait justement de l’absence de reconnaissance de leur action par la cible. L’économie circulaire étant un sujet très consensuel, il n’y aurait finalement pas de cible : il s’agirait de faire des choix « raisonnés » selon le mot qui revient dans les entretiens. Pour se reconnaître comme résistant, il faut que la cible de cette résistance la perçoive. Faudrait-il donc considérer nos consommateurs non pas comme résistants, mais comme responsables (Dubuisson-Quellier, 2011, 2018) ? Il suffirait alors de se confronter à son éthique personnelle ou plus largement à un système de valeur que l’on entend appliquer dans sa vie quotidienne. Il n’y aurait donc ici d’enjeu de reconnaissance qu’envers soi-même. L’enjeu est donc bien proprement politique car il interroge la consommation comme levier de la gestion du commun.