Thèse de doctorat
Résumé : Depuis sa détection par Altman et Das en 1965, l’existence d’une neurogenèse adulte universelle dans le règne animal a été l’objet de controverses. Elle a été étudiée dans de nombreuses espèces animales, en particulier chez l’un des mammifères possédant un cerveau extrêmement bien développé : l’Homme. Un cerveau bien développé ne signifie cependant pas nécessairement qu’il y existe une neurogenèse accrue, au contraire. Dans notre travail, nous avons étudié la neurogenèse hippocampique adulte dans un modèle de rongeur : la souris. Un petit cerveau, sans circonvolutions, mais présentant une neurogenèse adulte conséquente. La neurogénese hippocampique adulte est un processus impliqué dans le fonctionnement de la mémoire, dont le dysfonctionnement est un symptôme de plusieurs maladies neurodégénératives dont la maladie d’Alzheimer.Le premier objectif de cette thèse est consacré à l’analyse comparative de la neurogenèse hippocampique adulte dans le cerveau de souris wild-type (WT) et de souris transgéniques modélisant une maladie neurodégénérative (Tg30) : une forme familale de démence frontotemporale (FTLD-17) faisant partie du groupe des Tauopathies, dont fait aussi partie la maladie d’Alzheimer. Cinq modèles murins ont été étudiés : des souris WT, Tg30, Tg30/tauKO, tauKO et htau/tauKO. Ces trois dernières lignées n’expriment pas de protéines tau murines, et les souris htau/tauKO expriment uniquement les 6 isoformes WT de protéines tau humaines. Dans ces différents modèles, nos analyses immunohistochimiques ont démontré la présence de nombreuses cellules souches et de précurseurs neuronaux dans la zone sous-granulaire du gyrus denté, l’une des zones neurogéniques du cerveau murin, également présente chez l’Homme. Par comparaison avec les souris WT, la neurogenèse est augmentée dans la zone sous granulaire du gyrus denté chez les souris Tg30/tauKO, alors qu’elle est diminuée chez les souris Tg30. Nous avons démontré que le volume et le nombre de neurones granulaires sont significativement plus importants dans l’hippocampe des souris htau/tauKO et tauKO, alors que le nombre de neurones immatures y est réduit. Afin d’étudier la neurogenèse chez l’Homme, nous avons réalisé des marquages immunohistochimiques sur des coupes d’hippocampes humains de sujets contrôles et atteints de maladie d’Alzheimer. Toutefois, les conditions de fixation, les délais post-mortem ainsi que la variabilité intra-individuelle ne nous ont pas permis de visualiser cette neurogenèse ni de pouvoir affirmer ou réfuter son existence chez l’Homme. Ces résultats soulignent le rôle protecteur de la réduction d’expression de tau dans les déficits de la neurogenèse hippocampique adulte dans ces modèles de tauopathies.Le second objectif de ce travail était d’approfondir la compréhension des mécanismes de propagation et de nucléation de la protéine tau pathologique. En effet, l’injection stéréotaxique de fractions enrichies en agrégats fibrillaires (PHF) extraits du cerveau de patients atteints de la maladie d’Alzheimer dans le gyrus denté de souris exprimant uniquement les six isoformes de la protéine tau humaine (htau/tauKO) induit la formation d’agrégats neuronaux de protéines tau et leur propagation intra- et interhémisphérique. Ces inclusions présentent de nombreuses caractéristiques similaires à celles des dégénérescences neurofibrillaires retrouvées lors de la maladie d’Alzheimer. Cependant, les inclusions formées ici correspondent vraisemblablement à des stades précoces d’agrégation, car ils ne sont pas mis en évidence par des marqueurs identifiant des modifications post-traductionnelles plus tardives des dégénérescences neurofibrillaires. Ce modèle htau/tauKO injecté avec des PHF représente un modèle plus proche de la physiopathologie humaine et qui permettra de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans la formation et la propagation des agrégats de proteines tau dans plusieurs maladies neurodégéneratives.