Résumé : Le retour volontaire est une pratique d’éloignement qui a la particularité de s’appuyer sur la« volonté » des migrants, ou tout du moins, sur leur participation au processus de retour. Cetteambiguïté ne se révèle analytiquement féconde, qu’à condition de dépasser les schèmesdichotomiques d’appréhension des relations de pouvoir que renferme le retour volontaire. C’està cet effort de conceptualisation que nous invitent les migrants ouest et centre africains quis’engagent, depuis le Maroc, dans une procédure d’ « Aide au Retour Volontaire et à laRéintégration » (AVRR) diligentée par l’Organisation Internationale pour les Migrations(OIM). Selon la formule consacrée par les candidats au retour sur le terrain marocain, s’inscrireà l’OIM revient à « signer la déportation ». À travers cette expression émique, ils et ellesrévèlent dans quelle mesure épreuve de la violence et manifestation de l’agencéité tendent à seconfondre dans l’expérience du retour volontaire.La dialectique du contrôle et de l’agencéité cependant, ne constitue qu’une étape de la réflexionpermettant d’appréhender avec rigueur la participation des migrants à l’éloignement. En effet,l’ethnographie des retours volontaires démontre qu’entre la violence des frontières et la capacitéd’action des migrants, se trouvent des acteurs hétérogènes – humanitaires, caritatifs etassociatifs – qui jouent un rôle intermédiaire dans la mise en retour des migrants. C’est danscet espace médian que se joue la part d’indétermination, non seulement de l’issue, maiségalement des modalités du processus de retour volontaire. L’intermédiation constitue dans cesens un espace relationnel où convergent, se contestent et se déforment l’un l’autre, lesmécanismes d’éloignement et les expressions de l’agencéité migrante.En somme, ni tout à fait réductible à une forme d’expulsion, ni exclusivement synonyme d’uneliberté d’action des migrants, la participation des migrants au retour volontaire se façonne àpartir de trois pôles en tension : la violence, l’intermédiation et l’agencéité migrante.