Résumé : Les chaines d’approvisionnement contemporaines sont source de problèmes environnementaux, mais aussi d’impacts pour les communautés des abords des activités de production, consommateurs, ou encore travailleurs. Pour évaluer ces impacts, l’analyse sociale du cycle de vie (ACV-S) est développée depuis quinze ans en complément de l’ACV-E, qui traite, elle, des impacts environnementaux le long du cycle de vie des produits. Cette thèse vise à répondre à certains des défis méthodologiques pour sa conception et son application, par une évaluation de produits de systèmes alimentaires alternatifs belges (SAA), et à ces deux questions: i) que devrait évaluer l’ACV-S et ii) comment intégrer les chaines de causes à effet dans l’analyse, comme en ACV-E. Sur base de trois états de l’art (des cadres d’ACV-S, des études incluant les chaines de cause à effet, et des évaluations de produits alimentaires), nous développons et mettons en œuvre des propositions qui plaident pour i) une approche participative pour définir les critères; ii) une évaluation d’impact pour comprendre les pratiques des entreprises plutôt que leur simple rapportage, à travers l’articulation des indicateurs sur la base de théories existantes, comme l’approche de Global Commodity Chain: celle-ci place la gouvernance des chaines et la répartition de la valeur ajoutée entre les acteurs comme des facteurs explicatifs potentiels des problèmes socio-économiques présents dans les chaines; iii) une approche ‘imbriquée’ de la durabilité (ou ‘nested’), qui implique la considération des aspects économiques et de gouvernance des chaines, à côté des aspects managériaux et ‘sociaux’, et leur mise en relation. Nous cherchons ainsi à contribuer à faire de l’ACV-S un outil analytique qui vise l’amélioration des principaux problèmes dans les chaines d’approvisionnement, en analysant leurs causes profondes. Nos évaluations de produits de SAA, y. c. circuits courts et commerce équitable ‘Nord-Nord’, révèlent des rémunérations trop faibles et des conditions d’emploi précaires dans les fermes, rejetant ainsi notre hypothèse d’une durabilité plus élevée de ces produits, par rapport aux chaines dominantes. Ces faibles performances résulteraient d’une reproduction des mécanismes utilisés par les chaines dominantes (rapports de force déséquilibrés, faible engagement entre les acteurs, prix inéquitables). Ceci tendrait à confirmer notre autre hypothèse selon laquelle la gouvernance des chaines et les modalités de transaction impactent les conditions socioéconomiques des travailleurs au sein de ces chaines, d’où l’intérêt de considérer ces aspects en ACV-S. Aussi, d’autres éléments semblent jouer: la règlementation du travail en vigueur, qui encouragerait les contrats précaires, ou le contexte de marché qui influencerait fortement les prix pratiqués dans les SAA, d’où l’importance de se pencher sur les chaines dominantes pour améliorer la durabilité des produits alimentaires dans leur ensemble. Notre recherche confirme l’applicabilité et la pertinence de nos propositions, qui mériteraient d’autres applications pour une validation et des développements méthodologiques supplémentaires.
Today’s supply chains entail numerous and serious issues, concerning the environment but also regarding people, including communities’ surrounding production activities, final consumers and workers. In order to assess those latter social and socio-economic impacts on people, Social life cycle assessment (S-LCA) is a tool being currently developed to complement E-LCA, which assesses potential environmental impacts along the life cycle of products and services. This PhD aims to address some of the outstanding methodological challenges faced by S-LCA, with the support of an application on products from Belgian alternative food network (AFNs). The thesis focuses on three related main questions: i) what should S-LCA assess (topics, level of assessment, i.e. company’s practices, impacts on people, other) and ii) how to include impact pathways or cause-effect chains in the analysis, as it is done in E-LCA; iii) how should the assessment be carried out, so that it goes beyond a mere reporting? On the basis of three distinct states-of-the-art (on S-LCA frameworks, studies considering impact pathways and S-LCA studies in the food sector), we put forward and apply specific methodological proposals that argue for i) the use of a participatory approach to select assessment criteria; ii) the use of an impact assessment approach that allows to understand company’s practices rather than their mere reporting, through an articulation of assessment criteria and indicators based on existing theories, including in social sciences. In this regard, the Global commodity chain approach that identify chain governance and value distribution among chain actors as potential stressors or root causes of social and socio-economic problems in supply chains, seems particularly relevant; iii) the use of a nested approach to sustainability in which also economic and governance aspects are taken into account, in addition to managerial and “social” aspects of supply chains, which are usually included. With this work we aim to contribute for S-LCA to become an analytical tool contributing the improvement of main problems in supply chains, e.g. income, employment and working conditions, by analyzing their root causes. Our assessments of products traded under various alternative chains, including short food chains and a local Fair trade chain, reveal low income and poor employment conditions on farms. This rejects our assumption of better social sustainability performances of AFN products, when compared to those of mainstream chains. Those poor performances would originate in the mechanisms used (e.g. unbalanced power relations, low commitment between VCAs, unfair prices), which are similar in mainstream chains. This would tend to confirm our assumption that chain governance and transaction modalities (i.e. business practices of chain actors) impact on socioeconomic conditions of workers in supply chains (or for the social sustainability of products), this is why we think it is of interest to consider those aspects in S-LCA. Also, other, more contextual, elements seem to come into play, such as labor regulations in force, that would encourage the use of non-standard forms of employment, and broader market context that influences AFNs quite strongly, including on prices. This is why it seems also important to work on mainstream food chains to improve overall product sustainability. Our research confirms the applicability and relevance of our methodological proposals, however further applications could be useful for further validation and methodological developments.