Résumé : Chaque année en Europe, quelques 70.000 nouveaux patients requièrent un traitement permanent dans le cadre d'une insuffisance rénale terminale. Dans le même temps, on réalise environ 20.000 greffes, laissant quantité de patients en dialyse. Le taux de survie en dialyse est médiocre (2/3 à 3/4 moindre que chez les sujets non dialysés des mêmes âges) ce qui rend le problème de la disponibilité des greffons parfaitement criant. La pénurie de greffons est directement liée à leur survie limitée: 10 ans en valeur médiane et en l'absence de censure pour la mort des patients, ou bien 15 ans si l'on se limite à regarder les pertes de greffes liées à des causes intrinsèques. Plus de 60% des greffons sont perdus des suites de lésions de rejet chronique. Dans ce contexte, nous avons choisi de nous intéresser à de très rares patients, découverts fortuitement, qui en dépit de l'arrêt de leurs immunosuppresseurs pour diverses raisons, maintiennent pendant une durée prolongée d'au moins 1 an, une bonne fonction de leur greffon. Ces patients, tout en étant bien portants, semblent être devenus sélectivement incapables de monter une réaction inflammatoire, à tout le moins destructrice, à l'encontre de leur greffon. On dit qu'ils sont "opérationnellement tolérants". En pratique, ils disposent d'un rein allogénique qu'ils ne rejettent pas mais sans avoir à subir les conséquences néfastes et redoutables des immunosuppresseurs (infections, cancers, diabète, hypertension artérielle, ...). Comprendre et maîtriser la tolérance opérationnelle ouvrirait la voie à des transplantations plus durables et plus sûres. Plusieurs études transcriptomiques, mécanistiques et épigénétiques laissent penser que la tolérance opérationnelle repose sur l'expansion de populations cellulaires régulatrices au sein des répertoires alloréactifs, aux dépends des cellules effectrices. Ces équilibresfins seraient maintenus grâce à une série de modifications épigénétiques (microARN, méthylations) assurant une stabilité relative au phénotype. Malgré notre meilleure compréhension des mécanismes responsables de l'homéostasie de la tolérance, ses mécanismes causaux restent à ce jour inconnus.Nous avons émis l'hypothèse que la tolérance requerrait une prédisposition génétique pour pouvoir s'installer, concrètement: que les patients tolérants se distinguent du reste de la population par un excès de variants à haute pénétrance localisés dans les exons de gènes jouant un rôle critique dans le développement de la dite tolérance.Pour valider cette thèse, nous avons, dans un premier temps:- contribué à montrer, au travers de la première étude pangénomique d'association ("GWAS") validée sur le rejet aigu d'allogreffe rénale que le génome des receveurs influençait les réponses alloimmunes, hors du système HLA.- réuni la plus grande cohorte de patients tolérants sur le territoire européen à ce jour composée de 22 patients de la biocollection l'université de Nantes et de 18 patients identifiés prospectivement dans le cadre d'une étude dédiée; TOMOGRAM,- montré que la tolérance était associée à une survie prolongée des greffons,- montré qu'il s'agissait d'une découverte rare, identifiée par les cliniciens chez seulement 0.03% de leurs patients greffés et sans condition prédisposante patente.Dans un second temps, nous avons- séquencé les exomes de 40 patients tolérants et les avons comparés à ceux de 209 contrôles in-house,- filtré nos données selon notre hypothèse de travail et circonscrit un ensemble de variants exoniques moyennement à hautement pathogènes (au total 84.643, répartis dans 16.343 gènes),- comparé les distributions de variants (par gène; par variant) chez les cas et chez les contrôles, à l'aide du test aSKAT-O; un test basé sur une analyse de la variance et ajusté pour les petits échantillons.Nos résultats immédiats ont été soumis à 3 contrôles: une correction pour les hypothèses multiples (FDR 0.05); des interventions pour repérer d'éventuelles stratifications (notamment d'après une analyse en composantes principales ou PCA) et enfin; l'examen soigneux des variants retenus dans les fichiers post-alignement (BAM).Au terme de ce processus, nous n'avons pas pu identifier de variant ou de gène ségréguant avec la tolérance. Nous concluons que la prédisposition à la tolérance repose peu vraisemblablement sur une hérédité monogénique simple et homogène ("mendélienne"). D'autres données, en ce compris nos propres travaux sur les déterminants génétiques du rejet aigu de greffe, nous encouragent à rechercher des causes génétiques plus complexes. De nouvelles études d'association tirant parti du séquençage génome-entier et exploitant des cohortes plus larges sont requises.