Résumé : La maladie de Kienböck fragilise le lunatum, qui souvent évolue vers la fracture et le collapsus. Divers facteurs ont été évoqués pour en expliquer l’origine, principalement anatomiques, comme l’index radio-ulnaire distal négatif, la structure trabéculaire du lunatum ou la pente de la glène radiale. Le carpe est soumis à des forces de compression qui tendent à le disloquer ou à l’écraser. Cette compression transmise par les métacarpiens se concentre dans le carpe vers l’espace radio-scapho-lunaire.La prise en charge chirurgicale la plus courante de la maladie de Kienböck avant le collapsus arthrosique est la décompression du lunatum par raccourcissement osseux de voisinage. Si l'ostéotomie transversale de raccourcissement du radius est la plus répandue, d’autres ostéotomies ont été proposées: l'ostéotomie de soustraction externe du radius, de soustraction interne du radius, d’accourcissement du capitatum, parfois étendue à l’hamatum. Ces différentes ostéotomies ayant un résultat différent sur l’anatomie, on peut supposer un effet de décompression variable sur le lunatum.Notre point de vue est que pour éviter la fracture du lunatum, il faut le soustraire durablement aux contraintes, en les déviant vers le scaphoïde ou le triquetrum. L’espace radio-scaphoïdien paraît moins à risque de conflit par hyperpression que l’espace ulno-carpien. Notre hypothèse est que pour dévier les contraintes vers le scaphoïde, il ne faut pas que le raccourcissement concerne la colonne externe du carpe, et l’espace radio-scaphoïdien. Nous avons envisagé de planifier une ostéotomie du radius pour ne pas décomprimer le scaphoïde. L’ostéotomie “Camembert” consiste à réséquer un coin osseux délimité entre le bord ulnaire du radius et le centre de la glène radiale.La technique est réalisée par voie dorsale, avec une résection contrôlée sous ampli, et une ostéosynthèse par une agrafe. Les résultats sont rapportés sur une série de 11 poignets opérés à sept ans de recul. Ils sont excellents et bons dans huit cas, corrects dans 2 cas, et mauvais une fois.Nous avons mené une analyse biomécanique par éléments finis, comparant la décompression du lunatum suivant différentes ostéotomies. Certaines ostéotomies peuvent entraîner une surcharge du lunatum, une surcharge au niveau de la STT avec hyperflexion scaphoïdienne, ou une surcharge ulno-carpienne, possiblement péjoratives. L'ostéotomie Camembert semble éviter ces écueils. Combinée à une ostéotomie ulnaire de Sennwald, que nous proposons lorsque la variance du cubitus est neutre ou positive, elle semble être celle qui décomprime le mieux le lunatum. La voie d’abord postérieure préserve la vascularisation palmaire du radius accompagnant le muscle carré pronateur. Elle ne nécessite pas d’incision de la capsule radiocarpienne, au contraire de l’ostéotomie du capitatum, ce qui préserve la vascularisation et les ligaments stabilisateurs du carpe. Nous proposons d'utiliser cette procédure pour les stades Lichtman 1-2-3A s'il n'y a pas de lésions du cartilage ou des ligaments, ce qui peut être vérifié au mieux par arthroscopie avant de confirmer l’indication.
Kienböck's disease weakens the lunate, which often evolves to fracture and collapse. Various factors, mainly anatomical, have been suggested to explain its origin, such as the negative distal radioulnar index, the trabecular structure of the lunate or the slope of the radial glenoid. The carpus is subjected to compressive loads that tend to dislocate or collapse it. This load transmitted by the metacarpals is concentrated through the carpus towards the radio-scapho-lunate space.The most common surgical management of Kienböck's disease prior to osteoarthritic collapse is decompression of the lunate by neighbourhood bone shortening. While transverse osteotomy for radius shortening is the most common, other osteotomies have been proposed: lateral radius shortening osteotomy, medial radius shortening osteotomy, capitate shortening, sometimes extended to the hamate. As these different osteotomies have a different result on the anatomy, a variable unloading effect of the lunate can be assumed.Our point of view is that to avoid a lunate fracture, it must be durably relieved from stresses by diverting it towards the scaphoid or the triquetrum. The radio-scaphoid space seems less at risk of hyperpressure than the ulno-carpal space. Our hypothesis is that to deviate the stresses towards the scaphoid, the shortening must involve neither the external column of the carpus, nor the radius facing the scaphoid. The "Camembert" osteotomy consists in resecting a bone wedge delimited between the ulnar edge of the radius and the centre of the radial glenoid.The technique is performed dorsally, with controlled bone resection under fluoroscopy. Osteosynthesis is completed with a staple. The results are reported on a series of 11 wrists with seven years follow-up. They are excellent and good in 8 cases, correct in 2 cases, and bad once.We conducted a biomechanical finite element analysis comparing the decompression of the lunate following different osteotomies. Some osteotomies may result in lunate overload, STT overload with scaphoid hyperflexion, or ulnocarpal overload, possibly pejorative. The Camembert osteotomy seems to avoid these pitfalls. Combined with a Sennwald ulnar osteotomy, notably when the ulnar index is neutral or positive, it seems to be the one that best unloads the lunate. The posterior approach preserves the palmar vascularization of the radius accompanying the pronator quadratus muscle. It does not require any incision of the dorsal radiocarpal capsule, unlike the capitate shortening, which preserves the vascularization and stabilizing ligaments of the carpus. We propose to use Camembert osteotomy for Lichtman 1-2-3A stages if there is no cartilage or ligament damage, which can best be verified arthroscopically before confirming the indication.