Article révisé par les pairs
Résumé : Cet article examine la manière dont les Gnawa de la communauté marocaine de Bruxelles pratiquent le rituel de la līla, une cérémonie nocturne de transe originellement à vocation thérapeutique. La reterritorialisation de cette pratique et les contraintes symboliques et pratiques qu’elle génère induisent plusieurs reconfigurations d’éléments du rituel, comme l’absence d’un sacrifice animal (qui en conditionne l’efficacité thérapeutique), la présence féminine au sein d’ensemble musicaux mixtes, et l’estompement des différentiations entre les styles musicaux liés aux régions d’origine des maîtres.Bien que le volet spirituel des pratiques semble être fortement lié au Maroc, et donc moins central à Bruxelles, ces cérémonies continuent d’être organisées. Les adeptes et les musiciens mettent en place différentes stratégies pour négocier les difficultés liées à l’éloignement, et des postures variées sont adoptées par les maîtres pour se positionner par rapport à ce dernier. Communément admise comme un facteur incontournable, cette déterritorialisation s’avère être aussi une libération : affranchis de la contrainte d’efficacité rituelle et thérapeutique dont ils ne sont plus les garants, les Gnawa maroxellois peuvent réinventer le sens des līlāt.