Résumé : Le recours aux solvants eutectiques profonds se présente comme une alternative potentielle aux limitations rencontrées en milieux aqueux pour la réalisation de dépôts électrochimiques. La transposition des procédés électrochimiques des milieux conventionnels vers ces nouveaux milieux n’est pas immédiate et nécessite d’entreprendre des études fondamentales visant à comprendre l’impact de la nature des solvants eutectiques profonds sur différents processus survenant à l’interface électrochimique. Dans cette optique, le présent travail examine les mécanismes impliqués dans la formation de dépôts d’argent, de palladium et du mélange Ag-Pd en solvants eutectiques profonds à l’aide de plusieurs techniques voltampérométriques (voltampérométries cyclique, différentielle, alternative, hydrodynamique, à balayage linéaire) et de mesures chronoampérométriques. Le choix du dépôt d’argent a été retenu comme système modèle et a été étendu à la réalisation d’alliage Ag-Pd qui présente un intérêt plus appliqué. Les solvants eutectiques profonds sélectionnés pour cette recherche sont obtenus en mélangeant du chlorure de choline avec de l’urée (ChCl-U) ou avec de l’acide oxalique (ChCl-Ox). Le comportement électrochimique de AgCl en ChCl-U est fortement affecté par la nature de l’électrode. Sur carbone et platine, une importante surtension pour le dépôt à 3D est requise, alors qu’aucune surtension n’est nécessaire sur électrode d’or en raison d’un processus de dépôt à 2D (dépôt en soustension) de l’argent sur l’or. Ce mécanisme de dépôt en sous-tension est peu sensible à la nature du solvant eutectique profond et très similaire à celui obtenu en solution aqueuse avec une concentration équivalente en chlorures. Le recours à des monocristaux a permis d’examiner l’influence de la cristallographie sur le dépôt en sous-tension. Une attention particulière a été portée à la présence de thiourée en milieu ChCl-U et celle-ci affecte profondément les dépôts métalliques d’Ag en modifiant la coordination des espèces Ag(I) et l’adsorption des espèces constitutives du ChCl-U à la surface d’une électrode d’or. Les mesures voltampérométriques du PdCl2 en ChCl-U ont permis de distinguer quatre régions en potentiel où ont lieu respectivement (des potentiels les plus positifs vers les plus négatifs) un dépôt en sous-tension confirmé par des mesures de désorption oxydative de CO, un dépôt à 3D, la formation d’hydrure de palladium (PdHx) et, à des potentiels bien inférieurs, un processus d’inhibition du dépôt. L’utilisation du ChCl-Ox a mis en évidence que la formation de PdHx dépendait du pH apparent du solvant eutectique. L’étude du mélange de AgCl et de PdCl2 a révélé la coexistence de phases distinctes associées à des alliages de différentes compositions formés lors du dépôt électrochimique. Les proportions entre les différentes phases sont très sensibles aux conditions de température, potentiel de dépôt et concentration des précurseurs métalliques, et l’influence de ces différents paramètres est discutée en détail. De plus, un processus de remplacement galvanique de l’argent par le palladium a également été mis en évidence avec l’appui de mesures XPS.