Résumé : En présentant une analyse de l’évolution des infrastructures de mobilité à Bruxelles depuis les années 1950 en mobilisant le concept d’imaginaire social, la thèse propose un cadre théorique original pour mettre en lumière la continuité de la tension entre les imaginaires de vitesse et de lenteur tout au long de la période étudiée. Elle analyse de manière diachronique les différents agencements et frictions entre les incarnations d’imaginaires dans la matérialité de la ville : dans le terrain, le sensible et l’image. Elle évite ainsi la difficulté rencontrée généralement par les approches en matière de mobilité qui privilégient des lectures fonctionnelles et techniques. En effet, la ville comme lieu de dé/plaisir des sens actualise les imaginaires à travers sa poétique. D’autre part, les imaginaires s’incarnent dans la matérialité de la ville ; ils déstructurent et restructurent continuellement la ville à travers une diversité d’incarnations. La tension entre imaginaires de vitesse et de lenteur s’inscrit dans une double dynamique de desserrement et de resserrement urbain qui appréhende la ville selon différentes échelles et redéfinit continuellement le partage entre espaces de vitesse, de lenteur et de frictions. En se matérialisant, l’imaginaire se stabilise et, dans un mouvement de l’utopie vers l’idéologie, fige les alternatives envisageables ; ses aménagements se normalisent petit à petit à travers l’établissement d’une grammaire d’aménagement et de vivre-ensemble dont la description fine à travers différents cas d’étude constitue le corps de la thèse. Cet ensemble de règles transpose l’imaginaire social et l’inscrit pratiquement dans la matérialité de la ville et la coordination des personnes. La thèse redéfinit également le concept de fétiche pour mieux saisir la stabilisation d’un imaginaire dans le terrain à travers un système d’interrelations avec le sensible et l’image. Ce concept complète la compréhension de l’infrastructure matérielle par ses investissements affectifs et subjectifs. Il aide à articuler les dimensions représentative et esthétique du monde investi en intensité ; il permet d’investiguer à la fois l’image et l’imagination (à travers le film, la photographie, …), et les désirs et investissements esthétiques, affectifs et passionnels. Les infrastructures de mobilité qui articulent fonctionnalité et esthétisation dans le bas (centre historique de Bruxelles) et le haut de la ville (quartier des Deux Portes, boulevards de Petite ceinture) sont ainsi analysées tout au long de la thèse comme des environnements sensibles en constante évolution – aussi bien socialement, phénoménologiquement que matériellement.