Résumé : La thèse porte sur la conception qu’ont les Nations Unies de ce qu’est l’« état de droit » dans les situations de conflit et sortie de conflit. Le concept spécifiquement onusien d’état de droit découle du triple rôle normatif, conceptuel et opérationnel de l’ONU. La recherche repose sur une étude comparative de six cas (Sierra Leone, Afghanistan, Côte d’Ivoire, Haïti, Mali et République centrafricaine), complétée par une exploration exhaustive de la pratique onusienne de paix depuis 2000. Cette recherche permet d’établir que les Nations Unies conçoivent l’état de droit comme un système de justice pénale ou « chaîne pénale » composée du triptyque institutionnel « police-justice-prisons ». Ces institutions remplissent fondamentalement une fonction répressive dont le but est le maintien de l’ordre dans les Etats concernés, et, de façon plus secondaire, une fonction de protection des droits humains. Le contenu spécifique de l’état de droit ainsi identifié s’explique par les caractéristiques du concept onusien d’état de droit et l’usage qui en est fait. Les Nations Unies conçoivent en effet l’état de droit comme un outil au service de la réalisation de buts extérieurs, et non comme une fin en soi. En conséquence, ces buts influent, de façon substantielle, sur le contenu même de la notion. Il faut alors s’intéresser à ces buts qui sont, en premier lieu, l’objectif d’instaurer la paix au plan interne, en second lieu, le but de maintien de la paix et de la sécurité internationales, et enfin, les fins davantage sociologiques de l’ordre international.
The thesis addresses the United Nations’ conception of the « rule of law » in conflict and post-conflict contexts. The concept of the rule of law proper to the UN stems from the Organisation’s normative, conceptual and operational role and activities. The research consists in a comparative study of six cases (Sierra Leone, Afghanistan, Côte d’Ivoire, Haiti, Mali and the Central African Republic), as well as an exhaustive review of the UN peace practice since 2000. From this review it appears that the UN understands the rule of law as equivalent to a criminal justice chain including the police, justice and prisons. These institutions intrinsically assume a repressive function, and, more marginally, a function of human rights protection. This specific understanding of the rule of law results from the characteristics and usage of the concept. Indeed, the UN see the rule of law as a means for the realisation of external ends rather than as a end in itself. As a consequence, these ends determine in a substantial way the very content of the concept. It then becomes necessary to explore these ends and their causal relation with the rule of law, which are first the goal of establishing peace at the internal level, then the maintenance of international peace and security, and finally, sociological aims of the international order.