Résumé : À travers le monde, les aléas naturels peuvent être à l’origine de situations de crise aux conséquences tragiques pour la population. Connaître la répartition spatio-temporelle de la population, les ressources vitales nécessaires en cas de crise et leur exposition, et évaluer l’accessibilité spatio-temporelle de la population à ces ressources sont des informations scientifiques, économiques et politiques cruciales, particulièrement dans des zones très peuplées. Avec un certain effort de collecte de données géographiques sur ces questions, il est possible d’améliorer la sécurité de la population qui vit et/ou fréquente des zones menacées par des aléas naturels, à partir de scénarios de ces aléas. Les résultats d’une telle analyse permettent d’orienter efficacement les actions de secours et de dimensionner les infrastructures de gestion de crise.L’Afrique subsaharienne, et plus précisément la République Démocratique du Congo (RDC), n'est pas épargnée par de tels phénomènes. La ville de Goma (RDC), qui compte en 2017 environ 890.500 habitants, fait face de façon permanente à la menace du volcan Nyiragongo, un volcan très actif situé à seulement 15 km au nord de l'agglomération. Cependant, dans cette région, les données (par exemple, la localisation spatio-temporelle de la population, la localisation des ressources vitales et la mobilité de la population pendant une crise volcanique) nécessaires à une analyse scientifique permettant une meilleure gestion de la crise sont globalement rares et peu fiables.Sur base des campagnes de collecte de données de courte durée (une semaine à six mois), notre étude a permis d’aboutir à quatre résultats pouvant contribuer à l’amélioration de la gestion de crise.Le bilan des flux de la population sur les voies d’accès à Goma a permis de dévoiler les variations temporelles de l’effectif total de la population de Goma, lesquelles se distribuent irrégulièrement au cours des jours de la semaine, et de manière très différente le dimanche (variation max de l’ordre de 7.500 ± 326 personnes).Pour rendre compte de la distribution spatio-temporelle de la population dans Goma, la population a été localisée heure par heure à l’échelle de l’hectare. Cette démarche a permis de constater pendant la journée une forte concentration de la population le long d’importantes voies de circulation urbaine et une localisation spatio-temporelle liée au rythme fonctionnel des établissements. Autrement dit, les effectifs de la population dans les quartiers varient au cours du moment de la journée.Pendant une éruption volcanique, une partie des ressources vitales peut être détruite par la coulée de lave et la sollicitation du reste des ressources par la population sera soudainement très grande. En période normale (sans éruption volcanique), les ressources vitales (par exemple, les vivres et le charbon de bois) localisées à Goma peuvent servir pendant cinq jours, en revanche pendant une crise volcanique, la capacité diminue sensiblement et peut atteindre moins d’une journée selon le scénario de coulées de lave et la zone de refuge choisie.Pour comprendre les risques attribuables à la réduction d’accessibilité aux ressources vitales que pourraient connaître certains espaces de Goma du fait des coulées de lave, nous avons choisi des scénarios des coulées de lave et développé sous SIG (systèmes d’informations géographiques) un réseau routier informatique qui tient compte des variations spatio-temporelles de la mobilité de la population. Pendant la période normale, nous avons constaté qu’en plus de leur vulnérabilité liée aux facteurs socio-économiques, certaines zones urbaines ont une faible accessibilité aux ressources vitales. Pendant la période de crise et en fonction des scénarios, nous avons identifié les zones à risque des coulées de lave et les itinéraires les plus favorables pour accéder, le plus rapidement possible, aux lieux de refuge.Ces résultats constituent un apport scientifique important pour l’amélioration des documents de gestion de crise, tels que le plan de contingence et le plan d’évacuation de la population, mais également les documents d’aménagement du territoire. Cette approche développée à Goma, dans un contexte de rareté de données, pourrait s’appliquer à d’autres régions fortement peuplées et soumises à la menace d’aléas naturels récurrents.