Résumé : Cette thèse interroge la construction de la politique publique de mémoire du génocide des Tutsi de 1994 au Rwanda. Son objectif est d’étudier la mise en place de cette politique publique en s’intéressant à la périphérie des institutions étatiques qui la coordonnèrent durant la période de transition politique allant de 1994 à 2003. Pour cette raison, la thèse adopte une perspective « par le bas » en observant la transformation de plusieurs sites de massacres transformés en mémorial du génocide dans deux communes situées à l’est de Kigali, Gikoro et Bicumbi. Cette perspective permet d’identifier le rôle des acteurs locaux et civils qui prirent part à la transformation de ces sites, ainsi qu’à leur relation avec les institutions étatiques. D’un point de vue plus général, cette perspective permet d’interroger la mise en récit du génocide, mais également la construction d’une politique publique au sein d’un État en pleine reconstruction. La thèse interroge de ce fait la mobilisation de réseaux d’acteurs en réalité constitués depuis le déclenchement de la guerre civile en 1990 autour de la victoire du Front patriotique rwandais, qui prit le pouvoir en juillet 1994. Le matériau mobilisé est constitué de sources écrites et orales récoltées à l’occasion de cinq séjours de recherche au Rwanda effectués entre avril 2013 et mai 2016 (14 mois en tout). Ces sources sont le fonds d’archives de la « Commission pour le mémorial du génocide et des massacres », qui fut l’organisme qui coordonna la politique publique de mémoire entre 1996 et 2001 au sein du ministère rwandais de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Culture. Un deuxième ensemble de sources est constitué par les archives communales de Bicumbi et de Gikoro. Pour finir, les résultats de cette recherche s’appuient sur cinquante-cinq entretiens réalisés avec trente-huit personnes originaires de Bicumbi et de Gikoro, ou ayant occupé des postes à responsabilité dans la Commission pour le mémorial de 1996 à 2001.
This thesis examines the development of the public remembrance policy of the 1994 Tutsi genocide in Rwanda. It aims to study the implementation of this policy by looking at the periphery of the state institutions that were in charge of its coordination during the political transition period of 1994-2003. For this reason, this thesis adopts a bottom-up perspective by observing the transformation of several massacre sites into genocide memorials in two municipalities located east of Kigali, Gikoro and Bicumbi. This perspective makes it possible to identify the role of local and civil actors central to the transformation of these sites, as well as to examine the relationship of these actors with state institutions. More broadly, it allows for a reframing of the narrative of the genocide, and offers new insights into the construction process of public policy within a State undergoing reconstruction. The thesis therefore questions the mobilization of networks of actors that were created at the outbreak of the civil war around the victory of the Rwandan Patriotic Front, which took power in July 1994.The material used consists of written and oral sources collected during five research visits to Rwanda between April 2013 and May 2016 (14 months in total). Among the written sources are the archives of the "Commission for the Memorial of Genocide and Massacres", a body tasked with the coordination of public remembrance policies between 1996 and 2001 within the Rwandan Ministry of Higher Education, Scientific Research and Culture. The municipal archives of Bicumbi and Gikoro have also been explored. And most crucially, this research is based on a set of fifty-five interviews conducted with thirty-eight people from Bicumbi and Gikoro, or individuals who held senior positions in the Memorial Commission between 1996 and 2001.