Résumé : L’objectif de ce travail était d’examiner le rôle de plusieurs aspects du traitement visuel dans la dyslexie développementale. Dans les deux premières études, nous avons examiné si des processus visuels de bas niveau se développaient différemment chez l’enfant présentant une dyslexie développementale et chez l’enfant normo-lecteur. Dans ce cadre, nous avons évalué la capacité à extraire des éléments visuels invariants (comme les vertex, jonctions entre deux traits d’un lettre) et leur degré d’encombrement perceptif (le crowding). Les résultats de ces études indiquent que le degré de crowding, ainsi que l’habileté à extraire les vertex des mots, seraient plutôt liés au niveau de lecture de l’enfant qu’à la dyslexie elle-même. Dans une troisième étude, partant de l’idée que l’effet délétère du crowding pourrait être diminué en espaçant légèrement les lettres des mots, nous avons testé, les effets « d’adaptations visuelles » sur la lecture, comme la typographie et l’espacement interlettres. Dans une perspective écologique, nous avons testé une police d’écriture présentée comme diminuant les difficultés en lecture des enfants dyslexiques. Les résultats révèlent un effet bénéfique de cette police mais seulement sur une partie de l’échantillon. Plus précisément, il semblerait que ce soit les enfants dyslexiques aux moins bonnes capacités visuo-attentionnelles qui en tirent avantage. Dans une quatrième étude, nous nous sommes focalisés sur une autre propriété de la voie visuelle ventrale : la reconnaissance invariante des mots. Nous souhaitions investiguer la capacité cognitive d’enfants dyslexiques à constituer des représentations orthographiques abstraites des mots. Malheureusement, nous n’avons pas été en mesure de répondre à cet objectif en raison d’un effet plancher lié à la difficulté pour les enfants dyslexiques à constituer des représentations orthographiques. Dans l’ensemble, nos résultats ne suggèrent pas, ou n’ont pu montrer, chez les enfants dyslexiques une quelconque déviance au niveau du traitement visuel par rapport aux enfants normo-lecteurs. Les différences entre nos groupes semblent plutôt liées au niveau de lecture des enfants, cela en accord avec l’hypothèse du recyclage neuronal qui postule que l’acquisition de la lecture a un impact sur des fonctions du système visuel déjà présentes avant cet apprentissage. Des pistes d’études sur les différents processus visuels de bas et haut niveaux impliqués en lecture, ainsi que sur leurs liens avec l’apprentissage de la lecture, sont proposées. Sur le plan de la pratique clinique, bien qu’on ne sache précisément si les faiblesses visuo-attentionnelles sont une cause de dyslexie ou une conséquence du plus faible niveau de lecture, ce travail suggère l’importance de les évaluer systématiquement en cas de dyslexie, afin de proposer une prise en charge adaptée.