Résumé : La présente recherche examine la couverture médiatique du conflit armé qui a opposé les Forces armées de la RDC à la rébellion du 23 mars dans la province du Nord Kivu, entre mai 2012 et novembre 2013. Au regard des stratégies diverses d’enrôlement des médias et de contrôle des contenus journalistiques mises en place par les belligérants, (pressions, intimidations, séductions, menaces, etc.), la thèse s’intéresse, en particulier, à la manière dont ces différents facteurs propres au système médiatique congolais ou générés par le contexte spécifique de ce conflit ont déterminé la construction des récits journalistiques diffusés par des radios locales, nationales et internationales sur le déroulement de cette guerre. Il s’est agi de voir les contenus journalistiques auxquelles les auditeurs congolais ont été confrontés et de cerner les dynamiques et logiques qui ont conduit à leur élaboration. L’étude s’appuie sur une démarche triangulatoire qui a permis d’analyser, de manière complémentaire, deux types de matériaux : des corpus radiophoniques, prélevés auprès d’un échantillon de cinq radios (Kivu One et VBR de Goma, Top Congo FM et Radio Okapi de Kinshasa, RFI émettant depuis Paris) et des entretiens semi-directifs réalisés avec dix-neuf journalistes, explorant les conditions dans lesquelles les récits diffusés ont été produits. Elle croise un axe géographique, les implantations des médias étudiés étant différentes, et un axe diachronique, en se focalisant sur trois phases distinctes (début, milieu et fin du conflit). L’examen effectué sur le corpus radiophonique a mis en lumière l’existence d’une multiplicité des pratiques journalistiques que la recherche s’est attachée à qualifier : journalisme « surveillé », « assiégé », « occupé », « effacé », « embarqué », « distancié », « patriotique », « de paix », « du vainqueur » « de communication » … Les entretiens ont permis de mieux comprendre les déterminants qui ont conduit les journalistes à ces pratiques, c’est-à-dire un ensemble de facteurs, ancrés à la fois dans l’environnement sociétal, dans des dynamiques internes aux entreprises médiatiques, dans des commodités professionnelles ou dans des expériences personnelles de vie. L’analyse combinée des récits journalistiques diffusés et des discours des journalistes actualise, dans le contexte congolais, un ensemble d’interrogations portant sur la couverture journalistique des conflits : tension entre responsabilité professionnelle et responsabilité citoyenne ; limitations liées aux moyens disponibles et aux conditions sécuritaires ; poids des connexions financières ou politiques au sein des rédaction ; interventions directes des belligérants dans le secteur médiatique ; possibilité et modalités de la neutralité du journaliste, en particulier lorsque ce dernier est originaire du pays en conflit et qu’il réside dans la région où se déroulent les combats. Journalistes et radios ayant développé des réponses pratiques différenciées à ces interrogations, la thèse en souligne et examine l’impact sur les récits médiatiques diversifiés proposés au public congolais.