Résumé : IntroductionDepuis plusieurs décennies, la pratique et les soins pharmaceutiques sont soumis à plusieurs changements en partie en raison de l’évolution de la société, des progrès de la recherche et de la mise sur le marché de nouveaux médicaments. La pratique du pharmacien a passée d’une délivrance centrée sur le médicament vers la délivrance centrée sur le patient notamment par la détection, l’intervention et la résolution des Problèmes Liés aux Médicaments (PLM).Certains patients atteints d’une condition médicale particulière, tels que les patients cancéreux, peuvent être soumis à des traitements lourds qui leurs sont nécessaires mais qui peuvent les rendre plus vulnérable à l’apparition d’un PLMObjectifsL'objectif de cette thèse était de mettre en évidence la proportion des PLM dans les pharmacies d’officines ainsi qu’à l'hôpital et d’évaluer les potentielles conséquences en milieu hospitalier.La première partie était composée de deux projets ; 1) Traduction et adaptation de la classification du PCNE V6.2 à la pratique et au cadre juridique pharmaceutique belge en intégrant la validation du contenu et la fiabilité inter-évaluateur de la classification adaptée. 2) Étude pilote visant à évaluer la proportion de PLM des antidouleurs les plus utilisés en Belgique.La deuxième partie de cette thèse était composée de trois projets. 1) Quantification et classification des réadmissions des PLM des patients cancéreux réadmis dans les 30 jours et mise en évidence des facteurs de risque liés à ces réadmissions ; 2) Évaluation des coûts liés aux réadmissions dues aux PLM et les potentielles économies de PLM évitables ; 3) Détection des interactions médicamenteuses à partir de différentes sources disponibles au sein de la population cancéreuse réadmise lors du premier projet et évaluation de l’impact de ces interactions sur la survie des patients.MéthodeLa classification du PCNE V6.2 a été adaptée et traduite pour le contexte belge. Afin d’évaluer la validité du contenu, les pharmaciens académiques et d’officines ont évalué six critères, deux qui ciblaient le mode d’emploi (compréhensibilité, utilité) et quatre le formulaire d’encodage (pertinence, logique d’agencement, exhaustivité et redondance). Lors de leur pratique quotidienne, les pharmaciens ont appliqué l'outil adapté du PCNE afin d’évaluer si les instructions avaient été respectées et de quantifier le temps nécessaire pour résoudre un PLM. Par la suite, l’analyse des encodages des pharmaciens a permis d’estimer la fiabilité inter-évaluateurs. Le second projet était une étude pilote qui a permis aux étudiants de Master 2 d’encoder avec l’outil adapté du PCNE V6.2 les PLM détectés en officine par leur maître de stage. Les PLM impliquant les antidouleurs ont été extraits de la base de données initiale et ont été analysés.La deuxième partie s’est basée sur une étude rétrospective observationnelle de six mois dans deux établissements de soins Bruxellois : un hôpital général universitaire et un centre de référence en oncologie. Afin d’évaluer les PLM, une revue de médication de type 2b a été appliquée pour chaque patient réadmis aux urgences ou suite à une consultation médicale. La probabilité d’implication d’un PLM dans la réadmission a été évaluée à l’aide du système du Centre de surveillance de l'organisation mondiale de la santé d'Uppsala (OMS-UMC). La réception de la base de données des différents coûts liés à ces réadmissions a permis une estimation des coûts de réadmission de ces PLM pour chacun des deux établissements impliqués. Le caractère évitable d’un PLM a pu être évalué par l’utilisation du questionnaire de Schumock et al. . Le dernier projet à évaluer les potentielles interactions médicamenteuses à l'aide des bases de données en ligne Lexicomp® et Epocrates®. Une analyse de survie de Kaplan-Meier et une analyse de Cox ont été effectuées pour évaluer le lien entre les variables interaction et survenue du décès.RésultatsL'adaptation de l’outil a permis l'ajout de 16 items. Une bonne validation du contenue a été obtenue suite à l’évaluation des pharmaciens académiques et des pharmaciens d’officine. Un total de 109 PLM a été encodé, avec un temps de résolution moyen de 5 min. Concernant la fiabilité inter-évaluateur, 74 items sur un ensemble de 83 ont montré une fiabilité élevée. L’étude pilote a permis de recueillir 15 952 PLM, dont 1 832 pour les antidouleurs, 3 200 interventions ont été produites afin de résoudre les PLM. La majorité des PLM ont été totalement ou partiellement résolus (77,2%).Lors de la seconde partie de la thèse, l’analyse des dossiers de patients cancéreux réadmis dans les 30 jours a révélé que 123 patients avaient été réadmis pour un PLM certain (4,9%), probable (49,6%) ou possible (45,5%). Les facteurs de risque mis en évidence étaient un faible score de Charlson, la polymédication et certaines chimiothérapies (préparations à base de Platine, les anthracyclines ou les vinca-alcaloides). Un montant total de 495 869,10 € a été mis en évidence pour les réadmissions dues aux PLM, avec une durée médiane d’hospitalisation de 7 jours. Les cancers prédominants liés à ces réadmissions étaient le poumon (19,5%) et le sein (17,9%). En se basant sur les diagnostiques des médecins, une part importante (71,5%) des réadmissions du aux PLM était liée aux effets indésirables de la chimiothérapie.Le troisième projet de la seconde partie de ce travail a inclus une population finale de 299 patients réadmis 30 jours après la sortie de l'hôpital en raison d’un PLM. Selon les bases de données en ligne, entre 78,9% et 80,9% des patients étaient réadmis avec au moins une interaction. En moyenne entre 1,6 et 2,3 interactions par patient ont été détectés pour Lexicomp® et Epocrates®. Les opioïdes (29,9%) suivis des anxiolytiques (15,8%) étaient les médicaments les plus souvent impliqués. Les effets indésirables les plus prédominants étaient les dépressions du système nerveux central (SNC) et les dépressions respiratoires. Des analyses de Kaplan-Meier ont montré une différence statistiquement significative sur la survenue du décès, entre les patients avec et sans interactions. Néanmoins, le décès ne semble pas être directement lié à la présence d'une interaction.ConclusionLa première partie a pu montrer que l’adaptation de l’outil au contexte francophone belge était fiable et avait une validité suffisante pour une utilisation quotidienne. La participation de 6 facultés belges a permis une implication nationale permettant d’obtenir une grande proportion de PLM (15 952) ; parmi eux, plus de 10% concernaient les antidouleurs dont la quasi-totalité ont été complètement résolus.Concernant la deuxième partie, environ 10% des réadmissions de patients cancéreux dans les 30 jours suivant leur dernier soin étaient liées à un PLM, parmi ces réadmissions 71,5% étaient liées à un effet indésirable. Le coût médian par réadmission était de 2 406,10 €. Les PLM évitables représentaient 7,3% dont le coût s’élevait à un total 27 938,61 €. L’évaluation des interactions a pu mettre en évidence une forte proportion de potentielles interactions liées aux traitements de patients cancéreux, néanmoins cela ne semble pas être lié à la survenue du décès.Ce travail a pu mettre en évidence la présence importante de PLM en officine et la volonté des pharmaciens d’officines belges à améliorer leur pratique. Néanmoins l’intégration d’un outil plus spécifique à la pratique officinale sur le terrain permettrait une adhésion plus complète et potentiellement une meilleure détection. La deuxième partie de ce travail a montré quelques facteurs de risque intéressants et l’importante présence d'interactions, qui demandent une potentielle vigilance chez les patients cancéreux afin de réduire les risques de réadmission dues aux PLM et les coûts associés. Cependant, une meilleure communication entre les professionnels de santé au sein de l’hôpital mais également avec les prestataires extérieurs tels que les médecins de famille et les pharmaciens d’officine, pourrait permettre un meilleur suivi et une diminution de ces réadmissions avec pour objectif d'améliorer la qualité de vie des patients.