Résumé : S’appuyant sur des observations in situ, des entretiens approfondis et des analyses textuelles, la thèse étudie les changements qui affectent les espaces et les temps du travail contemporain à partir des cas de la recherche universitaire en physique expérimentale et du transport routier de marchandises. L’enquête a été menée à partir de points d’entrée bruxellois, l’un étant un centre de recherche d’une université, l’autre une entreprise de fret, tous deux implantés à Bruxelles. Elle montre les formes particulières prises par des logiques de rationalisation, d’impératifs de mobilité et de mobilisation subjective dans ces deux écologies de métiers, a priori fort différentes. Comme le documente cependant l’enquête, ces deux terrains se caractérisent par des identités, représentations et pratiques professionnelles marquées dans les deux cas par une flexibilité spatio-temporelle, une aspiration à l’autonomie au travail et à l’engagement vocationnel de la part des travailleurs qui s’y activent. Par un dialogue de suggestion entre ces deux terrains, la thèse montre alors que des tensions émergent des contradictions entre les aspirations professionnelles, les objets et les qualités du travail, d’une part, et les modes de contrôle, d’évaluation, d’organisation et de rémunérations du travail et des carrières, d’autre part. Et si tensions il y a, c’est précisément parce que les espaces, les temporalités et les subjectivités par lesquels les travailleurs sont mobilisés et contraints à modifier le travail sont simultanément, et irrémédiablement, les ressources où ceux-ci puisent leur faculté à s’attacher et à résister aux exigences du travail. Ce processus par lequel émergent des productions spatio-temporelles particulières, au-delà et en-deçà des idéaux de métier mis en avant dans les discours tant officiels qu’informels, est à instruire pour chaque cas, dans sa qualité de monde. With an interest in how the imperatives of mobility, as well as rationalisation and mobilisation affect contemporary work and careers, the PhD thesis unites the perspectives provided by different positionings of observation, in depth interviews and the analysis of textual material. Taking an experimental physics laboratory as the starting point, the thesis analyses how new spaces of competition and qualification impact the objects, professional identities and careers of researchers and their collaborators, linking these analyses to observations made in the road freight transport sector, which serves as a reference point with regards to work-inherent spatial mobilities, autonomies, collective action and work engagement beyond what is habitually framed as “highly skilled” work and mobility. The dissertation thus shows how some trends are particularly taking hold in certain professions and working worlds: subjective mobilization at work, self-exploitation, permanent availability and the valorisation of professional, spatial and migratory mobility are linked to established self-descriptions, identities and practices. The dissertation specifically shows how time, space and subjectivities are at the foundation of work mobilisation for researchers as well as for other workers. At the same time, it is from the practices and representations of time and space that researchers and professional drivers draw the resources of their resistance and persistance in work. This is shown to go beyond the professional ideals highlighted in the discourses and put under pressure by the controls, evaluations and standards that accompany the developments in their sectors. The thesis thus provides insights into current dynamics in more recently emerging working worlds with highly individualised work relations.