Résumé : Au croisement des disciplines historique, sociologique et littéraire, ce mémoire de recherche s’insère dans le cadre plus large des études de genre. À travers l’objet littéraire, il s’agit d’étudier un problème de société méconnu, voire mésestimé : celui de la prostitution masculine hétérosexuelle. Portant plus précisément sur le roman du libertinage au Tournant des Lumières (1770-1800), ce travail cherche à comprendre comment et pourquoi des écrivains, dans un espace-temps déterminé, ont entrepris d’écrire la prostitution « au masculin ». À la fois produit et reflet d’une période de trouble, la littérature de la seconde moitié du XVIIIe siècle se montre favorable à la figuration de l’homme vivant aux dépens(es) des femmes. À la (re)lecture de textes plus ou moins révérés par la critique, de nombreux personnages se comportent en effet comme tel et répondent a posteriori au même archétype du « prostitué ». Entre réalité et fiction, cet impensé culturel questionne les tabous sociaux : à l’époque de l’élaboration de la cellule familiale et bourgeoise, il cristallise les tensions sexuelles, économiques et politiques qui structurent une société en crise. Avatar littéraire apparemment intemporel, il permettrait, tant dans sa production que dans sa réception, de penser différemment le monde, autrement dit celui de la domination masculine et capitaliste.