Thèse de doctorat
Résumé : La glace de mer, principalement située dans les régions polaires, est un milieu sensible au réchauffement climatique, et de manière accentuée en Arctique où la réduction significative de l’étendue et de l’épaisseur de la glace de mer sont actuellement en cours. Ce réchauffement est causé par des gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et l’oxyde nitreux (N2O), dont les concentrations augmentent avec l’industrialisation. Ces mêmes gaz sont par ailleurs incorporés dans les saumures liquides et les poches gazeuses de la glace de mer, et par conséquent, leurs concentrations se trouvent affectées par les fluctuations biogéochimiques de la glace de mer. L’objectif de cette thèse est d’étudier la dynamique de deux de ces gaz biologiquement actifs – le CO2 et le N2O – au sein de la glace de mer et aux interfaces avec l’océan et l’atmosphère.La dynamique du CO2 a été étudiée lors d’une expérience sur de la glace de mer artificielle présentant deux types de mésocosmes : l’un rempli avec de l’eau de mer (SW), l’autre rempli avec un mélange d’eau de mer et de rivière (SWR). L’addition d’eau de rivière a presque doublé la concentration en carbone organique dissous (DOC) dans le SWR, affectant la pression partielle en CO2 (pCO2). Cette expérience confirme d’autres études montrant que la pCO2 mesurée dans les saumures de la glace de mer est plus élevée en Arctique qu’en Antarctique. En effet, l’Océan Arctique a un contenu en DOC plus important ; une plus grande concentration en DOC dans l’eau de mer mène à une plus grande incorporation de DOC dans la glace de mer lors de sa formation, renforçant la respiration bactérienne qui, en retour, augmente la pCO2 dans la glace. Lors de cette même expérience, des mesures en continu de flux de CO2 air–glace ont été réalisées, de la formation à la fonte de la glace de mer. Le refroidissement de l’eau de mer a d’abord agi comme un puits de CO2 pour l’atmosphère, une situation qui s’est inversée lors de la formation des premiers cristaux de glace, devenant alors une source de CO2 pour l’atmosphère durant toute la période de croissance de la glace. Enfin, lors de la fonte de la glace, celle-ci s’est repositionnée en puits de CO2 envers l’atmosphère. En combinant les flux air–glace de CO2 avec la pCO2 mesurée dans l’air et dans la glace de mer, deux coefficients de transfert de gaz distincts ont été déterminés ; K = 2.5 mol m−2 d−1 atm−1 pour la phase de croissance et K = 0.4 mol m−2 d−1 atm−1 pour la phase de fonte. Quant à la dynamique du N2O, celle-ci a été étudiée à travers un set de données innovant de mesures de N2O réalisées sur une période de six mois dans la glace et l’eau de mer de l’Océan Arctique, à l’ouest du Basin de Nansen. Une sous-saturation générale est observée à la surface de l’océan par rapport à l’atmosphère, majoritairement due à l’origine Atlantique de ces masses d’eaux. Cependant un enrichissement en N2O est observé au nord de 82°N, également dû à l’origine de ces masses d’eaux, qui elles proviennent du plateau arctique de la Sibérie orientale, un lieu intense de dénitrification benthique et de formation de glace de mer, rejetant d’importantes quantités de sels et de gaz dans l’eau sous-jacente. Les mesures dans la glace de mer montrent une sursaturation tout au long de l’étude, dans les deux types de glace étudiées ; celle de première année (FYI) et celle de seconde année (SYI). Cette dernière présente des salinités plus faibles dues au lessivage des saumures qui a lieu en fin du premier cycle de croissance, cependant les concentrations en N2O sont similaires à celles de la FYI. Ce comportement non conservatif par rapport à la salinité peut être dû : (i) à la formation plus à l’est de la SYI, (ii) à de la potentielle activité biologique, (iii) au lessivage de la surface de la glace enrichie en N2O (iv) à la faible perméabilité de la SYI. Enfin, il est suggéré que les fortes concentrations en N2O rencontrées à la surface de la glace sont dues au rejet des saumures vers la surface, combiné à un processus chimique de production de N2O.