par Mistiaen, Valériane Marie
Référence Journée de la recherche en Fédération Wallonie-Bruxelles (17/12/2018: Académie Royale de Belgique)
Publication Non publié, 2018-12-17
Communication à un colloque
Résumé : Migrants, réfugiés, une discriminante médiatique ?Ces dernières années, de nombreux événements (guerre en Syrie, naufrages en Méditerranée, nationalisme…) ont contribué à la création de l’événement discursif médiatique ainsi qu’au concept que nous nous forgeons des migrations. Les termes qui définissent les personnes en déplacement (par exemple : réfugié, demandeur d’asile, migrant, illégal) ne sont pas immuables. En effet, leur sens et référence évoluent en fonction de événements et des représentations sociales, contribuant ainsi à la construction du problème public et des acteurs sociaux impliqués (Calabrese 2013).Le but de cette recherche est de comprendre l’évolution des différentes significations associées à ces termes et comment leur sens est construit par les médias. Pour ce faire, nous répondrons à ces trois hypothèses :1. Les médias jonglent avec les dénominations de personnes en déplacement en fonction de différents facteurs : événement discursif, espace et thème choisit. 2. Les quotidiens de références et le service public semblent utiliser une terminologie plus adéquate et développe plus souvent le contexte humanitaire. L’utilisation de ces termes dans les médias n’est pas nécessairement en phase avec leurs définitions légales.3. Les réfugiés, principaux acteurs, ne sont que très peu présents dans les médias et quand ils sont interviewés, les hommes sont privilégiés. A contrario, les politiciens y sont surreprésentés.Pour comprendre ces divergences, nous menons une analyse lexcio-discursive sur un corpus bilingue d’articles de presse et de séquences audiovisuelles (JT) de mars 2015 à juillet 2017. Le corpus comprend, pour chaque communauté linguistique, le quotidien national populaire et de référence ayant la plus grande diffusion (La Dernière heure, Le Soir, Het Laaste Nieuws, De Standaard) ainsi que les JT du soir des chaînes publiques et privées (La Une, RTL-TVI, VRT, VTM).De nombreuses études sur les représentations sociales des minorités, notamment sur les migrants, ont été conduites en Analyse de Discours (Van Dijk 2006) mais ce n’est que récemment que l’on se concentre sur les problèmes lexicaux (Holmes & Castañeda 2016 ; Calabrese & Mistiaen 2018).Deux méthodologies complémentaires seront utilisées pour analyser le corpus : l’Analyse (Critique) de Discours (A(C)D) et la Linguistique de Corpus (LC). Si l’AD fournit les concepts et le cadre théorique de l’analyse de discours, l’utilisation de la « méthodologie de la LC permet un degré plus important d’objectivité - c’est-à-dire, que cela permet au chercheur d’approcher le texte de manière (relativement) libre de toutes notions préconçues sur le contenu linguistique ou sémantique/pragmatique » (Gabrielatos & Baker 2008, p.7). L’utilisation d’un programme de LC (TXM) nous permettra des allers-retours entre l’unité étudiée et le cotexte, entre l’analyse qualitative et quantitative ainsi qu’entre la LC, lexicométrie et l’ACD (Baker et al. 2008).Nous suivrons trois étapes d’analyse:1. Le codage de chaque article et séquence de JT dans un fichier SPSS (analyse de contenu : thème traité, métadiscours, intervenants (genre et fonction) et création d’une liste de dénominations). Nous nous attendons à ce que peu de réfugiés et encore moins de femmes réfugiées soient présents dans les médias alors que les politiciens y seraient surreprésentés.2. Nous nous concentrons ici sur les termes utilisés pour nommer les personnes en déplacement. Avec l’aide de TXM, nous déterminerons les mots-clés et lemmes les plus fréquents (keyness) ainsi que la fréquence des mots issus de la liste de dénominations. Nous nous attendons à trouver des corrélations entre les dénominations d’acteurs et les moments discursifs ainsi que les thèmes développés.3. Lors de la dernière étape, nous identifierons le cotexte des dénominations à l’aide de l’analyse des concordances : les collocations d’un terme « contribuent à son sens et leur examen peut fournir une ‘analyse sémantique du mot’ (Sinclair 1991, pp.115-116). Des divergences dans le cotexte et les segments répétés devraient apparaître en fonction du type, du genre de média et de la communauté linguistique.Cette analyse permettra de comprendre dans quelles circonstances l’utilisation d’un terme plutôt qu’un autre engendre une vision différente des personnes en déplacement. Certains cotextes et collocations peuvent en effet charger négativement un terme et, le cas échéant, pousser à la discrimination de personnes catégorisées sous ce mot. De plus, ces personnes semblent déjà discriminées par leur sous-représentation médiatiques.