Résumé : Les gastroentérites aiguës (GEA) représentent un lourd fardeau pour la population pédiatrique. Elles sont responsables d’une mortalité importante, particulièrement chez les enfants de moins de 5 ans dans les pays à faibles revenus, et ont un impact socio-économique non négligeable dans les pays à hauts revenus. La prévalence des différents entéropathogènes potentiellement impliqués dans les GEA varie selon les études, dépendamment de la technique diagnostique utilisée, de la population étudiée – âge des patients, co-morbidités, situation géographique et socio-économique – et du moment où l’étude a été réalisée.Campylobacter est l’un des pathogènes entériques majeurs dans les pays à hauts revenus. Les espèces Campylobacter jejuni et coli sont les plus fréquemment retrouvées par les méthodes de culture sur des milieux sélectifs utilisées en routine dans la plupart des laboratoires de microbiologie. Cependant l’utilisation d’autres méthodes, comme la technique « de filtration » ou les techniques de PCR, permet de mettre en évidence d’autres campylobacters tels que Campylobacter concisus dont le rôle dans les GEA est sujet à controverse.Dans ce contexte, l’objectif général de ce travail de thèse est l’amélioration de la prise en charge diagnostique des GEA en pédiatrie à Bruxelles. Cet objectif se détaille en deux sousobjectifs: d’abord une étude de prévalence des entéropathogènes - et potentiels entéropathogènes -, ensuite une amélioration de techniques diagnostiques. Ces éléments sont détaillés ci-dessous.La première partie de ce travail nous a permis de recruter deux groupes de patients : l’un atteint de GEA (185 cas) et l’autre asymptomatique (179 témoins), mais comparables notamment en termes d’âge, de fréquentation de la crèche ou de l’école, de vaccination contre rotavirus, et de traitement par antibiotique. Au vu des techniques diagnostiques utilisées dans notre étude, Campylobacter jejuni-coli était le principal reponsable de GEA dans notre population (14% des cas), suivi de rotavirus (11% des cas). Seules 6 souches de C. concisus ont pu être retrouvées parmi les cas et 4 parmi les contrôles, ceci ne nous permettant pas de tirer de conclusions quant à un éventuel rôle de ce germe.Malgré une couverture vaccinale satisfaisante de plus de 80% parmi les cas et les témoins recrutés, rotavirus reste le deuxième entéropathogène en termes d’importance avec 11% des cas infectés dans la population étudiée. Si le calcul de l’efficacité vaccinale réalisé dans la seconde partie de ce travail n’a pas montré de résultat statistiquement significatif, les enfants de moins de 12 mois comptaient significativement plus de cas de GEA à rotavirus chez les non vaccinés que chez les vaccinés. La couverture vaccinale pourrait donc encore être améliorée afin de mieux couvrir cet âge à risque de GEA compliquée.Le faible nombre de souches de C. concisus retrouvé dans la première partie du travail nous a poussé à tenter d’améliorer la technique de culture dite « de filtration » utilisée au LHUB-ULB pour la mise en évidence des campylobacters, particulièrement des « non jejuni-coli ». En trois étapes, nous avons pu montrer la supériorité de la combinaison comprenant la gélose Columbia contenant 5% de sang de mouton, avec des filtres en polycarbonate comportant des pores de 0,60 μm de diamètre et une mise en culture dans une atmosphère microaérophile enrichie en hydrogène (7%) afin d’obtenir une meilleure sensibilité de la technique de filtration. Ces améliorations ont fait passer C. concisus en première position en termes de fréquence de Campylobacter, devant C. jejuni.Cette proposition de standardisation de la méthode permettra de faciliter la comparaison de futures études sur le sujet et d’augmenter le nombre de souches de C. concisus isolées afin de tester les hypothèses proposées de génotypes potentiellement pathogènes et de facteurs devirulence sur un échantillon plus large de souches.Parmi les techniques diagnostiques actuelles en microbiologie, les méthodes basées sur l’amplification d’acides nucléiques sont passées sur le devant de la scène, attrayantes par leur rapidité de résultats et par leur haut taux de réponse positive. L’une de ces techniques, le Luminex xTAG GPP a pu être testé sur les échantillons des cas et des témoins. Les résultats soulèvent quelques questions concernant l’utilité de cette technique pour la prise en charge clinique des patients au vu des hauts taux de positivité chez cas et témoins impliquant une réserve dans l’interprétation des résultats, particulièrement pour Salmonella. Certains faux négatifs gênent également l’implémentation en routine de ce test : certaines bactéries retrouvées en culture (Shigella, Yersinia, Campylobacter) ne sont pas détectées par le Luminex. Son intérêt est donc faible en clinique dans l’état actuel de la méthode.Ce travail permet de poser des balises pour l’interprétation des tests microbiologiques effectués et d’attirer l’attention des cliniciens sur l’importance de rester critique en ce qui concerne les résutats obtenus : un résultat positif n’indique pas systématiquement que l’entéropathogène détecté est responsable de la clinique présentée et un négatif ne l’absout pas pour autant. Pareillement, les microbiologistes doivent connaître les besoins des cliniciens afin de proposer des tests qui peuvent y répondre, tant en réduisant le délai de réponse qu’en améliorant la pertinence de celle-ci, selon le contexte de la demande : un individu malade, une prise en charge d’épidémie, une étude épidémiologique. Autant de situations où une discussion et une réflexion sont nécessaires afin d’améliorer la prise en charge des patients et d’éliminer les tests inadéquats générant des coûts inutiles pour le patient, l’hôpital et la société.