par Duhant, Valentine
Référence Les enjeux éthiques dans l’enquête en sciences sociales (8-10 novembre 2018: Lausanne)
Publication Non publié, s.d.
Communication à un colloque
Résumé : Tout chercheur réalisant une enquête de terrain a une dette envers les participants qui ont accepté sa présence. C’est ce sentiment d’être redevable que je propose d’examiner dans cet article, afin d’en analyser les impacts sur la nature des données récoltées. Pour ce faire, je me base sur des exemples issus de la recherche ethnographique que je viens d'achever dans le cadre de mon doctorat en sociologie. Celui-ci porte sur la mise en œuvre des politiques d’insertion socioprofessionnelle dans le secteur de l'aide sociale en Belgique, où elle est prise en charge par des organisations locales appelées Centres Publics d'Action Sociale (CPAS). Il s’agit d’une comparaison entre deux CPAS dans le but d’analyser les logiques d’orientation des bénéficiaires de l’aide sociale vers les services chargés de les accompagner dans leurs démarches d’insertion sociale et professionnelle. Dans les deux cas, l’enquête est basée sur une immersion de plusieurs mois dans les services concernés, combinant observation directe, discussions informelles et entretiens semi-directifs. Mes actions sur le terrain ont été orientées par la tentative de répondre à ce que je percevais comme une obligation de réciprocité envers les responsables qui m’avaient accordé l’accès aux institutions, les travailleurs qui s'accommodaient de ma présence et les bénéficiaires qui n'avaient pas été prévenus de ma venue. Le fait de fournir un contre-don au moins équivalent au don des enquêtés, pour reprendre les termes de Marcel Mauss, était une préoccupation constante, au point que cela a pu influencer les données que j’ai récoltées. En examinant mes notes de terrain a posteriori, je me rends en effet compte que mes stratégies pour équilibrer ces deux pôles du donner et du recevoir ont parfois été élaborées au prix de l’accès à certaines informations. Dans cet article, j’analyse donc les façons dont j’ai tenté de résoudre la tension liée à ce sentiment d’être redevable et dont ces tentatives ont orienté la recherche à différents moments : la négociation des accès, la présentation aux travailleurs sociaux, la période d’observation proprement dite et les demandes de retours de la part des participants. De plus, la comparaison des deux terrains permet de mettre en lumière ce que l’expression de cette tension doit aux dynamiques propres à chacune des organisations étudiées.