Communication à un colloque
Résumé : Dans cet article, nous nous intéressons au potentiel de réaménagement des espaces ouverts que dégage pour la métropole bruxelloise une transition vers une mobilité durable (Caletrio 2015). Cette transition est aujourd’hui encore freinée par la mobilité des entreprises, encore très largement axée sur l’usage de la voiture individuelle – nécessitant de grandes aires de stationnement sur le site des entreprises et dans l’espace public. Libérés de l’emprise de la voiture, ces espaces ouverts publics et privés permettent le développement d’aménagement de mobilité douce, y compris de transport public, mais aussi des équipements (commerces, crèches, terrains de sport, espaces de convivialité). L’impact de l’automobilité, et notamment à travers le stationnement, sur la qualité de l’environnement urbain et de l’espace ouvert est un enjeu majeur en termes de durabilité qui reste minimisé. La notion d’espace ouvert que nous utilisons dans cet article nous permet d’embrasser la question de l’espace public et de l’espace privé, appartenant aux entreprises, dédié aux mobilités. Pourtant, si la recherche concernant la transition vise une compréhension des phases successives traçant de nouveaux horizons d’attente et un meilleur contrôle pour orienter les transitions dans une direction souhaitée, il est central d’évaluer le potentiel spatial des dispositifs de mobilité durable, non pas seulement dans certaines centralités urbaines privilégiées, mais bien sur le territoire concerné par le problème de la mobilité des entreprises, c’est-à-dire l’aire métropolitaine. Les solutions et les impacts d’une mobilité durable dans la ville consolidée sont aujourd’hui connus et développés à Bruxelles comme dans la plupart des grandes métropoles européennes. Par contre, l’aménagement de l’espace ouvert périphériques a été beaucoup moins étudié.Le potentiel de réaménagement est pourtant plus important dans les espaces périphériques. En effet, dans leur analyse des transactions autour du référentiel de développement durable dans les politiques de mobilité, Genard et Neuwels (2016) mettent en évidence un partage des zones d’influence dans lequel « la dimension du développement durable se fait essentiellement une place dans la mobilité lente, laissant les autres logiques dominer dans les instruments liés à la mobilité rapide ». Cela se traduit à Bruxelles depuis les années 1990, par des politiques spatiales en termes de transport qui visent moins à réduire qu’à invisibiliser la voiture dans les espaces de lenteur, s’appuyant sur les différentes stratégies, apparues en Europe dans les années 1970, de traffic calming (Hass-Klau 1990) : de réduction des nuisances dues à la circulation automobile, notamment pour renforcer la politique d’attractivité des villes. A Bruxelles, ces stratégies d’invisibilisation de la voiture ont été principalement réalisées dans les centres communaux et ne font finalement que déplacer les usages et les nuisances de l’automobilité vers la périphérie. À l’échelle de la métropole bruxelloise, la problématique de l’automobilité ne reste souvent envisagée que sous le prisme des émissions de polluants, occultant ainsi la pression spatiale induite par l’automobilité (Jacobs 1961; Sauvy 1968; Hubert et al. 2013) que certaines recherches récentes tendent maintenant à objectiver (Brandeleer et al. 2016). Cette pression qu’exercent les automobilistes par leurs pratiques, mais aussi les infrastructures dédiés à l’automobilité (voirie, parking, pompes à essence, etc.) n’est pas uniforme dans l’aire métropolitaine. L’usage élevé de l’automobile, de manière générale, dans la deuxième couronne et la périphérie proche de Bruxelles souligne les différentiels d’accessibilité influençant les choix modaux et le manque d’alternatives en transport public valables (Ermans et al. 2018) dans un « espace-temps automobilisé » [Urry, 2005] qui implique des trajets domicile-travail importants pour la majorité des Belges (Ermans et al. 2018). A travers une recherche par le projet (research by design) sur 4 sites situées dans l’aire métropolitaine bruxelloise, nous avons classé, spatialisé et, enfin, interprété et adapté à ces quatre contexte d’entreprises bruxelloises différents logiques et dispositifs spatiaux de mobilité durable étudiés à l’échelle de l’entreprise et de son environnement. Les propositions d’aménagement qui se dégagent de la recherche font émerger des continuités possibles entre les logiques d’aménagement de l’espace public par les pouvoirs publics et celles d’aménagement de l’espace ouvert privé par les entreprises. Les dispositifs qui en particulier s’inscrivent dans une économie de partage dégagent dans les espaces périphériques, où les espaces ouverts privés sont nombreux, mais la connexion aux réseaux de transport public améliorable, un plus grand potentiel de réaménagement en s’adaptant à une mobilité durable. Les recherches par le projet autour de la notion de « métropole horizontale », développées par l’urbaniste Paola Vigano, participent de cette même volonté de qualifier et d’identifier des logiques d’aménagements propres aux espaces de dispersion de l’aire métropolitaine bruxelloise (Vigano 2018). Si des stratégies innovantes d’aménagement des espaces ouverts pour l’aire métropolitaine bruxelloise commencent à émerger, le contexte institutionnel belge doit également initier une gouvernance qui puisse accompagner cette transition à l’échelle de l’aire métropolitaine. Le challenge pour une transition mobilitaire dans la périphérie sera aussi une étroite collaboration entre les pouvoirs publics et les entreprises privées parce que ce potentiel de réaménagement implique actuellement de larges espaces fonctionnels de stationnement sur sol privé. Parallèlement au développement de mesures fiscales et réglementaires en faveur d’une mobilité durable au sein d’approches techniques et économiques, il est fondamental d’investiguer l’espace ouvert dans lequel se déploient les mobilités, dont les aires de stationnement, et les différentes stratégies d’aménagement à l’échelle métropolitaine qui se dégagent. Nous serons ainsi en mesure de raconter une transition souhaitable et de dessiner de nouveaux horizons d’attente en relation avec une transition vers une économie de partage dans les espaces périphériques actuellement fortement centrés sur des modes de vie automobiles.