Résumé : Le système des noyaux de la base possède un rôle essentiel dans de nombreuses fonctions telles que le contrôle et l’apprentissage moteur ainsi que les processus motivationnels et cognitifs. Le striatum constitue la principale structure d’entrée de ce système et peut être subdivisé en une région dorsale, impliquée dans cet apprentissage et ce contrôle moteur, et une partie ventrale, impliquée dans le système de la récompense et donc les processus motivationnels. Le striatum est composé de deux principales catégories de neurones : les neurones épineux de projection (ou « medium-sized spiny neurons », MSN) qui composent la majorité de la structure, et des interneurones. Les interneurones du striatum participent à la modulation de l’activité des neurones épineux, selon un modus operandi propre à chaque population. Les interneurones exprimant la somatostatine, le neuropeptide Y (NPY) et l’enzyme de synthèse de l’oxyde nitrique (nNOS) constituent l’une de ces populations d’interneurones et n’a encore été que brièvement caractérisée d’un point de vue fonctionnel. Notre travail de thèse s’est donc focalisé sur l’étude de la fonction des interneurones somatostatine du striatum par une approche basée sur la perte de fonction. Cette étude fonctionnelle a été réalisée à l’aide d’un modèle de souris ayant subi une ablation spécifique des interneurones somatostatine dans le striatum. Trois principaux types d’analyses ont été réalisés. La première partie du travail s’est intéressée aux fonctions de ces interneurones à l’échelle cellulaire et, plus particulièrement à l’effet de la perte de ces interneurones sur l’activité électrique des MSNs. Nous avons ainsi observé que l’ablation des interneurones somatostatine induit une dépolarisation du potentiel membranaire de repos des MSNs et une augmentation de leur excitabilité, suggérant que de par les différents neurotransmetteurs que ces interneurones libèrent, ceux-ci participent au contrôle de leurs propriétés électrophysiologiques. Le second chapitre, toujours à l’échelle cellulaire et dans ce même contexte de connexion interneurone-MSN, a visé à étudier l’effet de la perte des interneurones somatostatine du striatum sur la morphologie des neurones de projection et ce, au moyen d’une reconstruction 3D. Celle-ci a mis en évidence que les MSNs présentent une réduction de leur densité d’épines dendritiques dans la portion distale, pouvant être le résultat d’un mécanisme d’homéostasie synaptique, alors que l’arborisation dendritique-même n’est pas modifiée. Finalement, la dernière partie a considéré le rôle des interneurones à une échelle systémique, en étudiant l’effet de l’ablation sur le comportement de la souris. Nous avons observé que l’ablation des interneurones somatostatine striataux n’altère pas le comportement moteur, le comportement nociceptif ou les comportements modélisant l’anxiété ou la dépression mais résulte en une augmentation de l’hyperlocomotion induite par la cocaïne. Il s’est également avéré que le rôle des interneurones somatostatine du striatum dans la réponse à la cocaïne se limite exclusivement à l’aspect locomoteur de la cocaïne et non à l’aspect motivationnel, comme montré par un test de préférence de place conditionné. Des analyses d’expression de différents marqueurs dopaminergiques ont, de plus, permis de suggérer que le phénotype hyperlocomoteur observé impliquerait une augmentation de l’expression du transporteur de la dopamine. Enfin, une étude électrophysiologique et morphologique des MSNs, chez des souris dépourvues d’interneurones somatostatine dans le striatum et sensibilisées à la cocaïne, a permis de mettre en évidence une occlusion des effets de la cocaïne sur les propriétés membranaires passives et l’excitabilité des MSNs. De plus, l’addition de dopamine au milieu extracellulaire induit une augmentation de l’excitabilité des MSNs des souris ayant subi une ablation des interneurones somatostatine striataux, compatible avec l’expression accrue de transporteur de la dopamine. D’autre part, l’étude morphologique a mis en évidence un effet de la sensibilisation à la cocaïne sur la densité des épines proximales des MSNs des souris dépourvues d’interneurones somatostatine.En conclusion, ce travail de thèse a permis de fournir, à l’aide d’un modèle d’ablation spécifique, des données substantielles quant au rôle des interneurones somatostatine du striatum dans la physiologie striatale et, en particulier leur fonction inhibitrice des MSNs, ainsi que leur rôle dans les comportements impliquant le striatum, dont la réponse induite par la cocaïne.