Résumé : Au cours de ce travail de thèse ont été développés des outils théoriques (simulation) et expérimentaux (tracking) d’investigation des mécanismes sous-jacents aussi bien aux phénomènes de choix collectifs d’exploitation de sources de nourriture qu’à la gestion collective de cette dernière lors de la constitution des stocks de nourriture au sein d’une colonie de fourmis. Un premier volet de mon travail a concerné l’influence des caractéristiques physiques de l’environnement extérieur à la colonie sur les choix collectifs des fourmis en termes d’exploitation de ressources alimentaires. A la sortie du nid, les fourmis montrent une nette préférence pour un chemin ascendant plutôt que descendant vers des sources de nourriture pourtant identiques. Ce choix s’explique notamment par un mécanisme de demi-tour au niveau individuel face à une pente descendante dont l’effet est renforcé par des feedbacks positifs inhérents au phénomène de recrutement. Les capacités d’orientation et d’intégration du parcours entre le nid et la source de nourriture ont également été testées. Un chemin menant du nid à la source de nourriture selon une trajectoire parfaitement rectiligne est largement plus emprunté qu’un chemin impliquant un angle (135°) à mi-parcours bien que la distance absolue entre le nid et les deux sources de nourriture soit identique. Ce choix est expliqué par des durées de trajets de retour au nid plus longues sur le chemin avec un angle que celles sur le chemin rectiligne, conséquence de désaccords entre la direction à emprunter pour retourner au nid et le phénomène d’intégration de chemin observé chez les fourmis. Un second volet de ma thèse a été consacré à l’étude des dynamiques et régulations à l’oeuvre au sein des phénomènes de dissémination collective et d’accumulation de nourriture au niveau intranidal. Ces questions ont été abordées par des méthodes d’analyses complémentaires mêlant des approches théoriques et expérimentales ayant permis d’établir les liens entres les hétérogénéités comportementales au niveau individuel et les résultantes de ces comportements au niveau collectif. Le marquage individuel des fourmis à l’aide d’une méthodologie également développée au cours de cette thèse, a permis la construction du réseau de trophallaxies au sein deux espèces de fourmis. Malgré des différences au niveau biologique, celles-ci présentent des similarités comportementales : chacune montre une nette hétérogénéité interindividuelle dans le niveau de participation à l’activité de dissémination de la nourriture dans le nid. Des simulations basées sur les données expérimentales montrent que ces hétérogénéités individuelles conduisent à l’émergence d’un réseau de diffusion de nourriture plus efficient que si la colonie était parfaitement homogène. De plus, il a été montré que la structure des réseaux de distribution de nourriture après une longue période d’affamement n’est pas affectée par la qualité de la nourriture, suggérant une résilience des structures fondamentales de l’organisation sociale face à la variabilité des ressources. Ainsi ce travail, par son approche complémentaire entre modélisation fonctionnelle et expérimentation se veut également être une synthèse et une intégration de l’essentiel des connaissances actuelles des lois régissant la gestion collective des ressources alimentaires chez les fourmis.