Résumé : La problématique de la contamination des sols urbains et agricoles par les éléments traces métalliques (ETM) est un enjeu majeur en termes de santé publique et de protection de l’environnement. Dans le contexte de l’expansion de l’agriculture urbaine et des jardins communautaires souvent localisés sur des sites contaminés, il existe un intérêt fort pour le développement de méthodes de décontamination moins coûteuses que les méthodes de remédiation conventionnelles et qui préservent l’intégrité et la fertilité du sol. La phytoextraction est une technique écologique de remédiation des sols contaminés en ETM qui repose sur l’utilisation de plantes accumulatrices de métaux pour diminuer les concentrations en ETM dans le sol. La crucifère européenne Noccaea caerulescens (tabouret calaminaire), hyperaccumulatrice de zinc (Zn), cadmium (Cd) et nickel (Ni), s’est imposée comme plante phytoextractrice modèle vu ses étonnantes capacités d’accumulation in natura. Cependant, les conditions de culture optimales de N. caerulescens sont largement méconnues.L’optimisation de la phytoextraction du Cd et du Zn avec N. caerulescens a donc constitué l’objectif principal de ce travail. Nous avons mené des essais de terrain à Bruxelles sur des sites dont les sols sont modérément contaminés en ETM. Le premier objectif était de comparer l’efficacité d’extraction des populations calaminaires du Sud de la France (CAL-SF) et des populations non-métallicoles luxembourgeoises (NMET) de N. caerulescens. En parallèle, un deuxième objectif était de tester l’effet de plusieurs pratiques de culture sur la croissance et l’accumulation afin de développer un itinéraire technique performant. Un dernier objectif était d’étudier l’influence des paramètres édaphiques sur l’efficacité de la phytoextraction. Nous avons mis en évidence pour la première fois sur le terrain que les populations NMET sont nettement plus efficaces pour l’extraction du Zn que les populations CAL-SF et qu’elles combinent à la fois une meilleure production de biomasse et une plus grande résistance aux herbivores et aux pathogènes. Ce travail de thèse souligne que le cycle de vie – annuel ou bisannuel – est un déterminant important de la vitesse de croissance, du rendement d’extraction et du cycle de culture à privilégier. Nos résultats montrent que l’itinéraire technique le plus performant est celui d’un repiquage à l’automne de plantules à cycle bisannuel à densité élevée (100-120 plantes m-²), suivi d’une longue saison de culture (12 mois), tandis que pour des plantes annuelles il faut favoriser une installation au printemps. Enfin, la croissance de N. caerulescens est essentiellement stimulée par des hautes teneurs en matière organique, une faible densité apparente, une texture limoneuse et un bon apport en azote. Ce dernier élément entraîne cependant une baisse des concentrations en ETM dans les plantes quand sa teneur augmente dans le sol. La fertilisation azotée ne devrait donc être utilisée qu’en cas de forte carence azotée.Ce travail a permis de démontrer qu’une culture de N. caerulescens pouvait extraire jusqu’à 18 % du Cd total (CAL-SF) et 10 % du Zn total (NMET) dans les 20 premiers cm de sols modérément contaminés (jusqu’à 10 mg Cd kg-1 et 1000 mg Zn kg-1). À condition d’augmenter et de stabiliser les rendements de biomasse aérienne, la phytoextraction du Cd avec N. caerulescens pourrait donc être une technique pour décontaminer des sols modérément contaminés en Cd tels que les sols agricoles ou les sols urbains.