Résumé : Cette thèse de doctorat retrace les jeux d’acteurs, les pratiques et discours qui ont rendu possible l’émergence et le développement de politiques de sécurité au nom de la « lutte contre le terrorisme » au sein de l’OTAN depuis le 11 septembre 2001. Notre démarche part d’une intention d’explorer une forme de tension apparente où la présence de plus en plus systématique et généralisée de la « lutte contre terrorisme » au sein de cette organisation internationale est allée de pair avec une hétérogénéité très forte, et parfois pleine de contradictions, de ses usages, de ses matérialisations, et de ce qu’elle contribue à justifier dans l’action politico-militaire internationale contemporaine de l’Alliance. En faisant de l’OTANun objet d’étude de sociologie politique, nous proposons de saisir les conditions dans et par lesquelles des professionnels de la sécurité (diplomates, militaires opérationnels ou haut gradés, fonctionnaires internationaux, ingénieurs, spécialistes du renseignement, compagnies privées, etc.) ordonnent leurs échanges et leurs conflits au sein de l’OTAN en mobilisant sur un mode particulièrement plural une « cause commune », la « lutte contre le terrorisme », qui, pourtant et au premier abord, présente une multiplicité narrative et pratique telle qu’elle paraît davantage être un énoncé dépourvu de sens concret et de réelle logique de fonctionnement qu’un élément structurant véritablement l’action collective.Ainsi, le présent travail conçoit les pratiques d’internationalisation de la « lutte contre le terrorisme » que génère l’OTAN comme l’objet de compromis, de bricolages institués, autour desquels les acteurs se réunissent et s’accordent un minimum sans pour autant s’entendre sur une signification partagée de la « lutte contre le terrorisme » ou même encore de la « menace terroriste ». La forte hétérogénéité prêtée aux significations de la « lutte contre le terrorisme » la rend tout aussi éclatée et dépourvue de sens logico-logique qu’elle assure une fonction sociale, pratico-logique, et productive bien réelle, celle d’assurer une certaine stabilité aux environnements et configurations professionnels, eux-mêmes très hétérogènes en termes de propriétés d’acteurs, de justifications et de savoir-faire déployés en matière de gestion des « risques internationaux ». Ce serait les formes bricolées d’objectivation des questions d’(in)sécurité qui assureraient précisément la reproduction des légitimités et des utilités individuelles et collectives des acteurs et institutions impliqués dans les initiatives de «lutte contre le terrorisme » à l’OTAN.En prenant notamment appui sur une observation participante de 7 mois au Quartier général de l’OTAN, une campagne d'une centaine d'entretiens ainsi que sur diverses sources écrites, nous étudierons la manière dont les diverses formes de mobilisations de la « lutte contre le terrorisme » a rendu possible le développement de trois types de politiques de sécurité de sein de cette organisation internationale : la conduite de la guerre, de la surveillance et l'acquisition/développement d'armements.Ce faisant, notre thèse entend connecter une analyse micro des formes de bricolages de la « lutte contre le terrorisme » à l’OTAN à une étude macro de leurs capacités productives au niveau des politiques contemporaines du « risque » elles-mêmes, et plus spécifiquement de leur dimension potentiellement violente. Nous entendons par-là démontrer que les usages fluides, bricolés, voire parfois « imaginés », de la « lutte contre le terrorisme » supposent le développement de savoir-faire de prévention des « risques » qui, reliés plus ou moins directement à l’usage de la violence, contribuent à en faire croitre le spectre et ses possibilités, essentiellement en termes de permanence dans le temps et dans l’espace, d’utilisations préventives et d’extensions des sujets visés par la violence politico-militaire.