Résumé : D’abord subordonnée au diagnostic différentiel en neurologie, la neuropsychologie a connu, avec l’avènement des techniques d’imagerie, un remaniement de ces objectifs avec notamment pour préoccupation nouvelle d’évaluer l’implication des altérations des fonctions cognitives dans la vie quotidienne du sujet (Parsons, 2012). Un constat, qui s’est dégagé à travers la littérature, porte sur le caractère peu généralisable des conclusions posées sur base des outils neuropsychologiques classiques aux comportements du quotidien (Chaytor & Schmitter-Edgecombe, 2003). Nombreux sont les scientifiques aujourd’hui à s’accorder sur la nécessité de disposer d’outils proches des situations de vie quotidienne afin d’affiner la compréhension des mécanismes cognitifs impliqués dans les activités de la vie courante et in fine de promouvoir une évaluation des habiletés fonctionnelles. La réalité virtuelle s’est ainsi rapidement imposée dans l’évaluation de la composante de multitâche et dans la simulation de tâches de haut niveau impliquant différentes fonctions cognitives simultanément (Parsey & Schmitter-Edgecombe, 2013).Ce travail de doctorat s’inscrit dans un projet pluridisciplinaire plus global (R.O.G.E.R.) dont l’objectif est le développement d’un programme d’évaluation des fonctions cognitives en réalité virtuelle. Cette thèse s’est consacrée plus particulièrement à l’évaluation d’une fonction cognitive, à savoir la mémoire prospective qui implique de se rappeler d’actions à effectuer dans le futur. Cette fonction cognitive, pourtant indispensable au bon fonctionnement de notre vie quotidienne, nous fait parfois défaut et ce même dans les situations les plus critiques qui relèvent d’une question de vie ou de mort. Prenons pour exemple les actes manqués des pilotes d’avion avertis qui conduisent parfois à des conséquences dramatiques (Dismukes, 2016). A l’instar de Plancher et Piolino (2017) pour son homologue rétrospectif, notre intérêt pour la conception d’un outil d’évaluation de la mémoire prospective trouve deux raisons principales : cette forme de mémoire est vulnérable à l’âge et à la pathologie, ce qui en fait une plainte récurrente. De par sa complexité, une évaluation écologique est d’une importance toute particulière.Notre apport se situe principalement dans la mise au point d’une interface de réalité virtuelle permettant de concevoir des scénarios personnalisés. En effet, les nombreux atouts que l’on concédera au programme R.O.G.E.R sont ceux relayés à travers la littérature comme des avantages généraux liés à la réalité virtuelle (e.g. la pertinence écologique, la capacité à délivrer des stimuli complexes de façon standardisée ou l’immersion dans un contexte dépourvu de risques) (Rizzo & Koenig, 2017). Le principal avantage du programme se situe dans la mise à disposition des utilisateurs d’un éditeur de scénarios ne nécessitant aucune connaissance technique spécifique. Le programme R.O.G.E.R. s’adresse ainsi à la communauté des chercheurs et cliniciens désireux de créer des scénarios sur-mesure au sein de deux environnements 3D interactifs (i.e. une salle d’entrainement et une maison).Nos choix de développement s’inscrivent dans une volonté d’introduire le programme R.O.G.E.R dans une pratique clinique future. Ce travail de développement d’une interface paramétrable, qui a constitué un travail de grande ampleur, a permis ensuite d’aboutir à la conception de multiples scénarios : un scénario de familiarisation, un scénario de pré- exposition et un scénario de mémoire prospective. Le principal atout de notre scénario de mémoire prospective (VREPT) est d’arriver à concilier le réalisme de l’immersion (complexité des situations, liberté d’action et interactions avec l’environnement) tout en maximisant le contrôle expérimental. Aucune tâche de mémoire prospective en réalité virtuelle ne propose, à notre connaissance, ces interactions diverses avec l’environnement qui le rend si proche des situations du quotidien (e.g. présence d’événements imprévisibles qui imposent au sujet d’y réagir, interaction avec des personnages virtuels tels que le chien et de multiples avatars). En effet, l’expérience est rendue plus immersive grâce à la possibilité donnée aux sujets de réaliser des actions dans l’environnement avec, à la clé, la possibilité d’en observer les conséquences. Le sujet est amené à vivre une histoire proche du réel dans laquelle il est acteur de ses actions, tout en gardant la standardisation nécessaire à l’évaluation neuropsychologique.