Résumé : Ce travail de thèse s’appuie sur l’analyse du discours des patients que je rencontre dans le cadre de la consultation médico éthique. Les objectifs principaux sont de comprendre le contexte de la demande d’euthanasie et le cheminement intellectuel du patient qui en vient à structurer la pensée de l’euthanasie jusqu’à la formuler et en faire la demande à son médecin, d’analyser le délai entre cette structuration de la pensée et la demande concrète au médecin, ainsi que le moment où il l’aborde avec sa famille, de déterminer le moment de la rupture biographique de l’histoire de la personne qui conduit à l’élaboration de la demande, de réaliser une analyse anamnestique de la demande, à la recherche de facteurs spécifiques qui motivent celle-ci (extérieurs, environnementaux, religieux, convictions personnelles, expérience vécue, existence d’une déclaration anticipée).La consultation médico éthique de l’institut Jules Bordet a été créée en 2012. Elle a été la première du genre en Belgique francophone et est accessible à toute personne désireuse d’exprimer ses volontés mais également son questionnement concernant la fin de vie. Dans ce cadre, l’analyse prospective de 75 dossiers, avec entre autre enregistrement des entretiens, a permis de récolter un certain nombre de données et d’information concernant différents points qui se retrouvent dans l’élaboration de la demande d’euthanasie et en particulier le contexte menant à celle-ci, le rôle des médecins traitants et le rapport qui existe ou non avec le suicide. A partir de ces éléments, trois questions se sont imposées à savoir :1. Existe-t’il un profil type du patient en termes de personnalité qui demande l’euthanasie ?2. L’existence d’une affection grave et incurable est-elle à l’origine de la demande ou est que celle-ci est réfléchie en dehors d’un contexte médical ?3. L’euthanasie est-elle équivalente à un suicide ?De l’analyse des données et de l’expérience acquise en clinique, je démontre qu’il n’y a pas de profil type de patient, que la réflexion à propos de l’euthanasie n’est pas systématiquement associée à un contexte médical et que l’euthanasie n’est pas assimilable à un suicide. La demande d’euthanasie n’obéit pas à une construction sociale et reste intimement liée à l’identité narrative de la personne. Un élément important est la position de résistance qu’adopte le patient face à une fin de vie qu’il redoute, moins parce qu’elle survient inéluctablement que parce qu’elle pourrait survenir dans de mauvaises conditions, qui elles-mêmes sont évitables. Ensuite, une réflexion portant sur les concepts de souffrances physique et psychique, sur la question de la clause de conscience de la spiritualité, le Serment d’Hippocrate, est proposée de même qu’une comparaison entre la Belgique et la France. La formation des médecins concernant les différents aspects de la fin de vie reste un élément essentiel de la pratique et garantit un dialogue constructif et respectueux des volontés de chacun. Après 15 ans de dépénalisation, cela demeure un enjeu majeur.Le débat concernant l’euthanasie ne peut se clore. Bien au contraire, il doit perdurer malgré les avancées et les acquis et ce, face à des positions liberticides et moralisantes qui ne cesseront pas de surgir.