Thèse de doctorat
Résumé : La thèse défendue dans le présent travail consiste à montrer qu’il est possible de faire émerger, au départ de certains récits, des concepts, affects, percepts et actions utiles à l’écologie entendue dans la triple acceptation forgée par Félix Guattari, à savoir subjective, sociale et environnementale. Là où l’ampleur des problématiques écologiques pourrait sidérer au point d’anesthésier notre être-au-monde, le pari de ma recherche est qu’il existe un autre chemin qui consiste à « esthésier », à éveiller les sens – dans une acception triple du terme, à savoir charnelle, mais aussi liée à la direction géographique et à la cohérence intellectuelle. Aborder les mutations écologiques par le moyen de récits et d’histoires qui engagent les émotions, c’est opter pour une approche qui fasse sentir ce dont il est question. En explorant les affects qui nous saisissent dès lors qu’il est question de ravages écologiques, on se donne des outils pour façonner d’autres histoires.J’ai choisi de travailler à partir de quatre récits : Vendredi où les limbes du Pacifique de Michel Tournier, L’homme qui plantait des arbres de Jean Giono, Moi, Christiane F, 13 ans, droguée, prostituée…, biographie de Christiane Felscherinow par les journalistes Kai Hermann et Horst Rieck, et Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry. La lecture de ces quatre récits se voit enrichie au contact notamment des pensées de Gilles Deleuze et Félix Guattari, David Abram, Starhawk, Aldo Léopold, Nietzsche, ainsi bien sûr que de mon imagination et de mes questions. Cette lecture permet de faire surgir des « entités actives » ou des « présences activantes » sensibles, affectives, conceptuelles qui pourraient, désormais, incarner, cristalliser, des façons d'être, de ressentir, de faire sentir, de penser et d'agir dans les domaines et sur les terrains de l’écologie.Le travail ici proposé relève donc d’une certaine « pratique » écopoétique qui permet de se situer en tenant compte/conte des mondes qui nous entourent, et active certaines manières d'interroger, de problématiser, d'être au monde, à soi, à son corps et aux autres. De quelles voix ces mondes sont-ils peuplés, habités ? Comment composer avec eux un chant vital individuel et collectif, joyeux et responsable ? Ec(h)opoét(h)iser demande en effet non seulement de cultiver une attention polyphonique à ce qui compose un oikos, un habitat, une situation écologique, mais invite aussi à créer une situation meilleure, respectueuse des êtres avec lesquels il s’agit de partager la terre. J’espère démontrer que l’art du récit, en mobilisant les puissances de création de sens, de fabulation, de mise en relation, de convocation et d’animation, peut nous accompagner sur ce chemin.