par Pelgrims, Claire
Référence 1ères Rencontres Francophones Transport Mobilité (6 - 8 juin 2018: Lyon)
Publication Non publié, 2018-06-06
Communication à un colloque
Résumé : La double dynamique de desserrement et de resserrement du tissu urbain, agissant simultanément à différentes échelles dans la seconde moitié du 20e siècle pour mettre en adéquation l’échelle des aménagements et les métriques de déplacement, implique des ajustements entre les infrastructures de mobilité définies comme des espaces de vitesse ou des espaces de lenteur. L’évolution des logiques qui prévalent dans ces ajustements renseignent sur les modalités d’articulation entre l’imaginaire (Castoriadis 1975; Sénécal 1992; Picon 2001) dominant de la vitesse et l’imaginaire de la lenteur qui sont continuellement en tension dans l’évolution des infrastructures de mobilité à Bruxelles durant cette période. Le desserrement, d’une part, vise à détendre et relâcher le tissu urbain à l’échelle de l’agglomération bruxelloise pour, selon le modèle de la périphérie urbaine, y faire entrer les trois matériaux fondamentaux de l’urbanisme moderne : soleil, espace, verdure, et ainsi mettre un frein à l’exode urbain. Une large transformation du bâti et de la skyline répond alors à l’automobilité croissante. Souhaitant faire de Bruxelles le « Carrefour de l’Occident », les administrations publiques modernisent le réseau viaire afin d’augmenter l’accessibilité – et donc l’attractivité - du centre-ville et surimposent à l’ancien réseau de promenades un roadscape qui incarne l’imaginaire dominant de la vitesse et articule esthétisation et fonctionnalité (Leloutre et Pelgrims 2017). La dynamique de resserrement, d’autre part, s’immisce dans la promotion concomitante d’espaces ponctuels de destination (trottoir élargi, secteur piétonnier commerçant, parc), c’est-à-dire des espaces de lenteur qui forment les aboutissements des parcours de vitesse. La seconde moitié du 20e siècle est en effet marquée par la montée d’un imaginaire de la lenteur qui progressivement s’outille et se définit à travers différentes logiques composant ensemble une « grammaire de la lenteur » (Pelgrims à paraître). Elle vise alors la continuité du bâti et de l’animation urbaine pour constituer un paysage de la rue à l’échelle du piéton : un streetscape. Même si cette grammaire opère sur un territoire qui s’étend tout au long de la seconde moitié du 20e siècle, redéfinissant ainsi les espaces de vitesse, de lenteur et de télescopages, la mobilité lente reste limitée dans un système de ségrégation spatiale de la vitesse et de la lenteur reposant sur différentes logiques. La communication se propose de revenir précisément sur les logiques qui règlent cette tension au sein des infrastructures de mobilité dans le centre-ville bruxellois. L’analyse inductive consiste en l’observation des projets de l’administration de la Ville de Bruxelles et des « contre-projets » citoyens et/ou étudiants dans les années 1970 concernant (1) l’articulation du « piétonnier » de la place Agora avec le mini-ring autour de la Grand-Place et (2) l’articulation du « piétonnier » de la Toison d’Or avec le « croissant autoroutier » urbain constitué par la Petite Ceinture, le boulevard Léopold II et l’avenue Louise. Elle se base pour l’essentiel sur des sources premières et inédites comme des rapports d’administration, les correspondances liées à l’élaboration de plans locaux d’aménagement ou aux demandes de permis, reprenant notamment les avis des citoyens, auxquelles s’ajoutent des articles et illustrations de presse à travers lesquels les administrations communiquent leurs projets et sur les publications des contre-projets dans des revues spécialisées.L’analyse du corpus révèle différentes logiques qui règlent cette tension entre vitesse et lenteur :(1) Horizontalement, par une internalisation dans l’environnement bâti des mobilités lentes mais aussi du parking (trottoirs sous arcades, galeries commerçantes, parkings construits), et (2) Verticalement, par une démultiplication des niveaux de sol (construction de viaducs, urbanisme sur dalles, mise en tunnel des transports publics, de la voiture ou des flux piétons). La communication attachera également une importance particulière aux différentes matérialités déployées dans ces différents espaces de vitesse, de lenteur et de télescopages (revêtements historicisant ou moderne, …) (Deferm et al. 2015). La recherche apporte ainsi une compréhension plus fine de l’évolution de cette tension entre imaginaires de la vitesse et de la lenteur dans l’évolution des infrastructures de mobilité à Bruxelles.