Résumé : En 2014, la Belgique a fêté les 50 ans de l'accord bilatérale entre la Belgique et le Maroc qui organisait les migrations de travailleurs marocains afin de faire face au manque de main d'œuvre belge, principalement pour le travail dans les mines. De migration temporaire en regroupement familial, la population d'origine marocaine est aujourd'hui l'une des minorités ethniques les plus importantes du pays. Dans un contexte où l’intégration des populations immigrées et issues de l’immigration occupe une place importante dans le débat public en Europe occidentale, les comportements de fécondité de ces populations sont un indicateur, parmi d’autres, d’une potentielle intégration. On entend beaucoup de préjugés sur la fécondité des étrangers, mais quels sont réellement les comportements de fécondité des populations d’origine marocaine en Belgique ? Quels sont les facteurs sociaux et contextuels qui expliquent la convergence ou non de ces comportements avec ceux de la population locale de référence ? C’étaient les questions de départ de ce travail et la réalité s’est avérée nettement plus complexe que le préjugé « les étrangers font beaucoup d’enfants ».Premièrement, ce travail confirme que la cause des écarts de fécondité entre les populations d’origines différentes est principalement sociale et non culturelle. Dès lors, la prise en compte des caractéristiques socio-économiques dans l’analyse de la fécondité des populations immigrées ou issues de l’immigration est indispensable. Deuxièmement, la temporalité des évènements aboutissant à la constitution de la famille est déterminante sur le nombre d’enfants réalisés à terme. Que ce soit à travers l’âge à la migration pour les individus de première génération ou l’âge au mariage pour la deuxième génération, la temporalité des évènements semble jouer un rôle majeur sur le modèle familial qu’un individu voudra reproduire. En effet, dans un contexte migratoire où l’individu est confronté à des modèles familiaux contradictoires, cette temporalité tend à avantager une ou plusieurs sources de socialisation par rapport à d’autres. Par conséquent, la diversité des temporalités vécues observée au sein de la population d’origine marocaine entraine une hétérogénéité en terme de nombre d’enfants particulièrement forte pour cette population.Troisièmement, une différence de fécondité existe entre la population marocaine vivant dans l’agglomération anversoise en celle vivant à Bruxelles. Les grandes familles (quatre enfants et plus) sont plus fréquentes à Anvers. Cela serait lié à l’origine plus souvent rurale de la diaspora marocaine vivant dans cette agglomération. Par ailleurs, la recherche s’est également intéressée à l’effet de quartier sur l’hétérogénéité des comportements de fécondité afin d’apporter des réponses documentées à la question de l’impact de la concentration géographique au centre des débats sur la mixité, sociale et culturelle, supposée améliorer la coexistence de populations d’origines différentes et surtout favoriser l’ascension sociale et l’« intégration » des populations étrangères défavorisées. Les modèles multiniveaux développés dans la thèse ne peuvent rejeter cette hypothèse car les variables contextuelles ont un effet significatif. Toutefois, l’effet de quartier est extrêmement réduit et est, surtout, nettement inférieur à un quelconque effet de la situation socio-économique de la personne. D’autant plus que les entretiens menés avec des femmes de deuxième génération marocaine ont mis en évidence la faiblesse des contacts sociaux dans le voisinage, quel qu’il soit.