Résumé : Aborder le déroulement du coucher de l’enfant dans le quotidien de sa famille permet d’interroger la dialectique entre les notions de lien et de séparation. Le sommeil du bébé constitue une sphère fondamentale de son développement, fortement investie par les parents et potentiellement génératrice d’angoisses dans un contexte socioculturel donné. L’installation du sommeil de l’enfant et notamment sa capacité à s’endormir seul peuvent être considérés comme des témoins de la construction psychique de celui-ci. Celle-ci renvoie au niveau théorique à la capacité à être seul de l’enfant, au processus de séparation-individuation. L’objectif de ce travail est de montrer comment les séquences interactives, et donc intersubjectives, nous renseignent sur le développement et les bases psychiques de l’enfant et comment elles sont interdépendantes du fonctionnement psychique des parents. La méthodologie mise en place cherche à investiguer en quoi le développement des capacités d’auto-apaisement de l’enfant au moment du coucher est influencé au niveau comportemental et interpersonnel par les capacités de coordination au sein de la triade et au niveau intrapsychique, par les représentations parentales. Dans un premier temps, une approche par auto-questionnaire investigue les pratiques et enjeux autour du coucher du jeune enfant de moins de quatre ans dans une population tout venant (n = 40). Dans un deuxième temps, les interactions triadiques familiales sont évaluées prospectivement par la méthode du Jeu Trilogique de Lausanne-LTP dans 2 familles tous les trois mois pendant la première année de vie de l’enfant. L’observation d’un moment de jeu individuel de l’enfant par l’utilisation de la Mallette Projective Première Enfance effectuée à six et douze mois est prise comme un indicateur du fonctionnement psychique en construction de l’enfant. Les représentations parentales du coucher mais aussi de façon plus générale du lien et de la séparation sont abordées en entretien et par questionnaire. Si la capacité à être seul n’est pas observable, son préalable se donne à voir dans les interactions, notamment dans le cadre d’observations standardisées comme permises par le dispositif du LTP. Notre constat est celui de la nécessité d’un ajustement du vécu parental par rapport aux signaux de l’enfant, dans les interactions en général et par rapport aux pratiques de puériculture dont les « rituels » autour du coucher en particulier. La dynamique parentale au sein de la triade peut intervenir comme un facteur facilitant ou entravant cet ajustement.