Résumé : La Belgique et la France ont notamment intégré en 2002 dans leurs systèmes législatifs respectifs une loi consacrée aux droits des patients qui met au centre du système de santé le patient et le devoir de respecter son autonomie. Partant de l’idée selon laquelle les concepts et principes ne peuvent être pensés indépendamment de la manière dont ils sont susceptibles de s’articuler au sein de la « vie ordinaire », j’ai adopté une démarche de philosophie empirique impliquant un terrain d’enquête au sein de laquelle j’ai choisi d’explorer une situation que l’on peut qualifier de limite, en portant mon attention sur la question du consentement aux soins des patients atteints de la maladie d’Alzheimer hospitalisés en gériatrie pour un événement de santé aigu. En effet, la maladie d’Alzheimer implique une diminution des capacités (notamment cognitives) des personnes qui en sont affectées, mettant ainsi l’autonomie du sujet à l’épreuve. Les spécificités liées à cette maladie, doublées du caractère aigu de la prise en charge des personnes qui en sont affectées, font de ce contexte un terrain extrêmement fécond pour examiner les significations et les limites de ce principe tel qu’il est actuellement valorisé dans le domaine des soins de santé.La réflexion proposée dans le cadre de cette thèse s’est ainsi élaborée autour d’éléments recueillis lors d’une enquête de terrain comparative (comprenant différents sites hospitaliers belges et français) spécifiquement mise en place pour les besoins de ce travail. Cette enquête s’est concentrée sur la relation entre les patients et les « soignants de proximité » (infirmières et aides-soignantes), étant donné que c’est dans le cadre de cette relation que la question de la capacité d’autonomie du sujet atteint de la maladie d’Alzheimer émerge principalement en contexte de soin à l’hôpital. En outre, cette enquête s’est en grande partie intéressée à la problématique du refus de soin des patients, ainsi qu’à celle du recours à la contrainte. En effet, c’est essentiellement dans ce type de situations que la question du respect de l’autonomie des patients et du recueil de leur consentement se pose avec le plus d’acuité dans le secteur qui nous occupe.La mise en place de ce terrain d’enquête doit être comprise comme un outil méthodologique et épistémologique ayant pour objectif de nourrir la réflexion conceptuelle, critique et normative liée à la problématique du respect de l’autonomie des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. L’ensemble de ce travail m’a permis de développer une nouvelle conception de l’autonomie qui se distingue des réponses les plus fréquemment proposées au sein de la littérature médicale, juridique et philosophique.L’idée principale défendue ici consiste à penser que le problème relatif à la question du respect de la capacité d’autonomie des patients atteints de la maladie d’Alzheimer ne réside pas tant au niveau de la capacité propre des personnes, mais qu’elle dépend avant tout de ce que je présente comme un geste d’octroi, résultant d’un processus de co-construction collectif des professionnels de santé, marqués par des affects et des motivations qui leur sont propres.