Thèse de doctorat
Résumé : Dans le domaine de l’épigénétique, la méthylation de l’ADN et les modifications des histones ont longtemps focalisé l’attention de la recherche biologique et médicale. Toutefois, notre vision de l’épigénétique s’est fortement élargie avec la découverte de « nouvelles » modifications épigénétiques de l’ADN et de l’ARN. Dès lors, au cours de cette thèse, nous avons voulu explorer trois de ces modifications, et leurs enzymes, dans le cadre des cancers du sein.Premièrement, nous avons étudié l’enzyme TET1, responsable de l’hydroxyméthylation de l’ADN (5hmC). Nous avons découvert que le niveau d’expression de TET1 dans les tumeurs mammaires basal-like corrélait avec les changements de 5hmC par rapport au tissu sain. Nous avons aussi établi un lien inédit entre la répression de TET1 et l’infiltration immune dans ces cancers. Nous avons ensuite démontré que cette répression était liée à l’activation canonique de NF-κB, un régulateur majeur de l’immunité et l’inflammation. Enfin, nous avons étendu ce nouveau mode de régulation de TET1 par l’immunité à d’autres types de cancers, y compris le mélanome, le cancer du poumon et le cancer de la thyroïde.Dans la deuxième partie de cette thèse, nous avons effectué la première étude transcriptomique d’une nouvelle modification de l’ARN, l’hydroxyméthylation de l’ARN (5hmrC). Chez la drosophile, nous avons révélé la distribution de cette marque le long du transcriptome, associé une fonction régulatrice de la traduction protéique à la marque et révélé le rôle central de 5hmrC et dTet, l’enzyme responsable de sa formation, dans le développement du système nerveux central. A la suite de cette étude pionnière, nous avons investigué 5hmrC en lignées mammaires et nous avons découvert plus de 700 ARNs différentiellement hydroxyméthylés dans les cellules cancéreuses par rapport aux cellules mammaires normales. Globalement, nos résultats indiquent que 5hmrC constitue un nouveau niveau de dérégulation de la fonction des gènes dans les cancers du sein.Dans la dernière partie, nous avons examiné le rôle de la méthylation de l’ARN (m6A) dans les cancers mammaires. Nous avons cartographié la distribution de m6A en lignées et en tissus humains et identifié près de 2000 ARNs différentiellement méthylés dans les cellules cancéreuses. Ensuite, nous avons découvert qu’une déméthylase de l’ARN, FTO, était sous-exprimée dans les cancers du sein, et nous avons démontré que cette dérégulation s’accompagnait d’une augmentation globale de m6A et d’un mauvais pronostic de survie chez les patients. In vitro, la sous-expression de FTO cause un phénotype plus agressif en termes de migration, invasion et caractère souche des cellules cancéreuses mammaires. Ainsi, nos résultats semblent assigner une fonction suppressive de tumeur à FTO dans la glande mammaire.En conclusion, nos résultats démontrent l’importance biologique des « nouvelles » modifications de l’ADN et l’ARN et de leur dérégulation dans le développement des tumeurs mammaires. Nos données mettent au jour de nouveaux mécanismes par lesquels l’épigénétique contribue au processus de cancérogénèse et indiquent que l’étude de ces modifications pourrait avoir une utilité clinique.