Résumé : La myéloperoxydase (MPO) est une enzyme pro-oxydante qui est capable de causer des dommages aux biomolécules, comme les acides nucléiques, en les chlorant spécifiquement par le biais de l’acide hypochloreux (HClO) qu’elle produit. La MPO étant présente au sein de tissus prostatiques et impliquée dans divers mécanismes physiopathologiques (incluant les cancers), il nous semblait important d’évaluer dans ce travail l’impact de sa présence dans le développement de lésions prostatiques ainsi que celui de la présence de nucléosides spécifiquement modifiés par la MPO sur la réplication, la transcription et la traduction.Dans un premier temps, des méthodes ont été développées afin de permettre l’analyse quantitative des nucléosides de l’ADN, de l’ARN, du pool cytoplasmique et du plasma. Des protocoles d’extraction et d’hydrolyse de l’ADN et de l’ARN ainsi que des protocoles de purification et de déphoshorylation des nucléosides libres (pool cytoplasmique et plasma) ont été développés ou adaptés afin de pouvoir ensuite séparer et quantifier les nucléosides par chromatographie liquide à ultra haute performance couplée à un spectromètre de masse Triple Quadupôle (LC/MSMS). La méthode analytique LC/MSMS a été développée et validée pour l’étude de six résidus modifiés : les 5‐chloro-(2’-désoxy)cytidines, les 8-chloro-(2’-désoxy)guanosines et les 8-oxo-(2’-désoxy)guanosines. Les quatre premiers étant des marqueurs spécifiques de la MPO et la formation des oxoguanosines pouvant être catalysée par l’enzyme (marqueur du stress oxydatif). Cette méthode a notamment l’avantage de présenter des limites de quantification plus faibles que dans la littérature, abaissant de 4 à 25 fois la sensibilité de la méthode selon le nucléoside.Deuxièmement, nous nous sommes attardés sur l’implication de la MPO dans le développement de lésions prostatiques, en recherchant la présence de ces nucléosides modifiés au sein de biopsies prostatiques de patients et de cultures cellulaires prostatiques traitées in vitro par la MPO, à l’aide des méthodes développées précédemment. Néanmoins, il s’est avéré qu’aucun chloronucléoside n’a été détecté dans ces cas de figure. Une méthode d’immunomarquage par fluorescence a également été développée afin d’essayer de colocaliser la présence de la MPO et son activité au sein de tissus prostatiques de patients souffrant de lésions prostatiques. Ce marquage avait pour but d’estimer l’activité réelle de la présence de MPO, et donc son rôle au sein de ces lésions prostatiques mais un phénomène d’autofluorescence n’a pas permis d’aboutir à des résultats.Finalement, l’étude du plasma de patients hémodialysés et de la pénétration intracellulaire de nucléosides modifiés depuis les liquides extracellulaires, tel que le plasma, vers le compartiment cellulaire ont été abordées. Ces expériences ont également été rendues possibles grâce aux méthodes développées et validés précédemment. Puisqu’il s’avère que les échantillons de plasma de donneurs sains et de patients contiennent de la 5-chlorocytidine et que cette dernière est capable de pénétrer in vitro dans les cellules prostatiques, l’aspect de l’incorporation de ces nucléosides au sein de l’ADN et l’ARN a également été approfondi. Il en résulte que seule la 5-chlorocytidine s’incorpore dans l’ARN lors de la transcription en présence de nucléosides modifiés dans le milieu alors qu’aucun nucléoside modifié ne s’incorpore dans l’ADN lors de sa réplication. Ce dernier point est probablement dû à une perte partielle ou complète de l’activité de certaines enzymes impliquées dans la réplication face aux chloronucléosides. De plus, l’étude du rendement de la traduction a montré que cette incorporation spécifique était accompagnée d’une importante réduction de la traduction de l’ARN en protéines.En conclusion, bien que ce travail ait permis d’établir une méthode LC/MSMS sensible, précise et exacte pour l’analyse de nucléosides modifiés (chlorés et oxydés) dans différentes matrices, il n’a pas permis de mettre en évidence des chloronucléosides dans les tissus prostatiques de patients et d'impliquer la MPO dans le développement de lésions prostatiques. Le rôle de la MPO dans les tissus prostatiques reste donc encore à élucider. De plus, ce travail a mis pour la première fois en évidence la présence de 5-chlorocytidine dans le plasma humain ; ce même nucléoside est capable de s’incorporer spécifiquement dans l’ARN, influençant fortement le rendement de la production de protéines, ce qui soulève encore des questions quant à son impact sur les fonctions et la viabilité des cellules en présence de 5-chlorocytidine dans le milieu extracellulaire.