Résumé : Ces dernières années, le nombre d’agents thérapeutiques issus des biotechnologies n’a cessé d’augmenter. Parmi ceux-ci, plus de 85% sont administrés par voie parentérale, principalement par injection sous-cutanée ou intraveineuse. Cette forme d’administration ne favorisant pas la compliance des patients, de nombreuses recherches ont été effectuées afin de trouver des alternatives à ces voies invasives, telles que la voie intranasale, pulmonaire, transdermique ou orale. Cette dernière a pour avantage, en plus d’être non invasive, de ne pas nécessiter de formation particulière du patient au moment de la délivrance. Elle permet donc une plus grande compliance, et ce d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un traitement chronique. Malheureusement, il a été démontré que la biodisponibilité relative des peptides et protéines non formulés administrés oralement est inférieure à 1%.Lors des nombreux développements destinés à augmenter l’absorption intestinale de ces macromolécules, l’insuline a souvent été utilisée comme modèle de peptide. En effet, elle est facilement disponible dans le commerce et est utilisée de façon chronique dans le traitement de certaines formes de diabète, principalement le diabète de type I. De plus, son administration orale permet de bénéficier d’un premier passage hépatique bénéfique car il permet de mimer sa sécrétion naturelle à partir du pancréas dans la veine porte hépatique.Au vu des nombreuses études réalisées dans le cadre de l’administration orale de peptides et protéines, nous avons opté pour une stratégie de formulation reposant sur l’encapsulation de ces molécules afin de les protéger des conditions défavorables présentes tout au long du tractus gastro-intestinal.Les systèmes nanoparticulaires nous semblant les plus prometteurs, nous nous sommes fixé comme objectif d’obtenir des nanoparticules dont le diamètre moyen ne dépassait pas 300 nm, valeur généralement reprise dans la littérature comme étant la plus efficace en vue d’augmenter leur absorption à travers l’épithélium intestinal. A partir de cette hypothèse, nous avons développé deux types de nanoparticules : des nanoparticules polymériques et lipidiques. Dans les deux cas, nous avons cherché à obtenir des nanoparticules mucoadhésives dont les avantages sont (i) une protection partielle contre l’environnement intestinal, (ii) une diminution de la clairance permettant une augmentation du temps de résidence au site d’absorption, (iii) une diminution de la distance de diffusion et enfin, (iv) une augmentation du gradient de concentration vers la circulation systémique.Les formulations polymériques consistaient en des nanoparticules composées d’un polymère cationique (chitosan et ses dérivés), d’un peptide (insuline ou colistiméthate sodique) et éventuellement d’un dérivé polyanionique. La formation de ces nanoparticules repose sur des interactions électrostatiques entre le polymère chargé positivement et le peptide présentant des charges négatives. Ce type de formulations a l’avantage de ne pas utiliser de solvant organique durant le processus de fabrication et d’être bioadhésif. Un autre avantage, grâce aux propriétés promotrices d’absorption du chitosan, est de pouvoir ouvrir les jonctions serrées présentes entre les cellules épithéliales du tractus digestif afin de faciliter l’absorption du principe actif. Les formulations obtenues présentaient un diamètre inférieur à 300 nm et un potentiel zêta dont la valeur se situait toujours entre +24 mV et +40 mV. Grace à cette charge de surface, nos nanoparticules présentaient des propriétés mucoadhésives. Celles-ci étaient d’autant plus marquées lorsque le diamètre des particules diminuait et que leur potentiel zêta augmentait. Les taux d’encapsulation pour ces formulations étaient supérieurs à 50%, atteignant 64 ± 4% pour la meilleure formulation. Nous avons également observé que les profils de libération du peptide à partir de ces nanoparticules pouvaient être modulés par le choix du polymère, et plus particulièrement son degré de quaternisation, ainsi que par l’emploi d’un dérivé polyanionique. De cette façon, certaines formulations permettaient une libération continue sur 210 minutes tout en offrant une protection efficace contre les enzymes digestives. Enfin, comparativement à de l’insuline en solution, nous avons pu montrer que le passage à travers une monocouche cellulaire de Caco-2/HT-29 mimant l’épithélium intestinal était supérieur pour nos formulations avec un passage atteignant 3,9 ± 0,5% après 240 minutes contre 1,2 ± 0,3% après le même temps pour une solution d’insuline. Finalement, nous avons démontré in vivo que le processus de formulation ne dénaturait pas notre peptide puisque son efficacité biologique était conservée. Les formulations lipidiques étaient, quant à elles, obtenues à partir d’émulsions solidifiées. Pour cela, une double émulsion E/H/E était réalisée avec, en phase interne, une phase aqueuse contenant le peptide et une phase externe organique contenant les lipides. Cette émulsion primaire était ensuite émulsifiée dans une phase aqueuse externe contenant des tensioactifs. Le solvant organique était ensuite évaporé, conduisant à la solidification des lipides sous forme de nanoparticules lipidiques solides. L’emploi d’un lipide cationique permettait d’obtenir une charge de surface positive conduisant aux propriétés mucoadhésives. Comme pour les formulations à base de chitosan, les nanoparticules obtenues présentaient un diamètre inférieur à 300 nm et un potentiel zêta toujours supérieur à +33 mV. Le taux d’encapsulation était compris entre 30% et 42%. Ces formulations permettaient également la protection du peptide encapsulé envers les enzymes digestives (pepsine et trypsine). La libération du peptide à partir des nanoparticules était biphasique, avec une libération importante durant les trente premières minutes, suivie d’une libération continue. Ces formulations permettaient également d’augmenter le passage du peptide sur une monocouche cellulaire mimant l’épithélium intestinal puisque nous obtenions un passage égal à 2,9 ± 0,4% après 4h pour nos cSLN, contre 1,2 ± 0,3% pour une solution d’insuline. Comme précédemment, l’intégrité du peptide n’était pas modifiée par notre processus de formulation. Afin de confirmer que nos principes de formulation pouvaient être transposables à d’autres peptides et protéines, nous avons réalisé des formulations similaires avec le colistiméthate de sodium, une prodrogue d’un antibiotique polypeptidique, la colistine.A la suite de ces évaluations in vitro, nous avons sélectionné les meilleurs candidats pour chaque type de formulation contenant de l’insuline afin de réaliser une étude in vivo. Cette dernière consistait en l’administration orale, chez le rat, d’une gélule gastrorésistante contenant nos formulations. A la suite de cette administration, nous avons suivi la glycémie chez le rat afin de comparer nos résultats avec une administration sous cutanée d’insuline correspondant au traitement classique, ainsi qu’à l’administration orale d’insuline non formulées. Les résultats obtenus ont démontré une diminution, parfois importante, de la glycémie lors de l’administration orale de nos formulations. Dans le cas des formulations à base de chitosan et d’insuline, administrées à 100 IU/kg, cette réduction de la glycémie a été observée chez deux animaux sur onze et à conduit à leur décès par hypoglycémie. Ce profil « tout ou rien » serait dû à la dissolution précoce des gélules alors qu’elles étaient encore présentes dans l’estomac. Concernant les formulations lipidiques, lorsque celles-ci étaient administrées à 50 IU/kg, nous observions une diminution de la glycémie de 28 ± 7% du taux basal, et ce pour les onze animaux. A l’avenir, il serait intéressant de pouvoir observer séparément la gélule de son contenu après administration, par des techniques d’imagerie médicale, afin de comprendre les variabilités observées in vivo. Il serait également intéressant de connaitre plus en détails les mécanismes de passage de l’épithélium intestinal. De telles études ont été réalisées in vitro ou ex vivo mais, à notre connaissance, pas in vivo.
In the last few years, research in biotechnology has produced a plethora of new therapeutics based on peptides and proteins. These new biotherapeutics are currently injected (e.g. subcutaneously), with lower patient compliance than for the oral route of administration. Indeed, the oral route is still considered as the most convenient way for drug delivery, offering high compliance by patients, especially in long-term treatments. However, proteins and peptides are characterized by low bioavailability when administered orally (lower than 1%). This is essentially due to their poor stability in the gastrointestinal (GI) tract (e.g. resulting from pH, enzymatic and microbial degradation) as well as limited permeability through the gastro intestinal mucosa.Numerous researches have been performed on oral administration of peptides and proteins with the use of insulin as the model drug. Indeed, insulin, a peptide hormone, is usually administered subcutaneously for the treatment of diabetes mellitus. Moreover, the oral administration of insulin can mimic the endogenous secretion by the pancreas as the absorbed insulin passes through the portal vein to the liver avoiding peripheral hyperinsulinemia. In this work, encapsulation strategy was selected to increase the oral bioavailability of macromolecules. These novel formulations were developed in the form of both polymeric and lipid cationic nanoparticles, which were characterized by a mean diameter lower than 300 nm. Such cationic nanoparticles allowed protecting the biomolecule against early degradation in the gastrointestinal tract as well as getting adhesive properties to decrease intestinal clearance and increase the concentration gradient toward the systemic circulation by shorting the diffusion pathway. The polymeric formulations were based on the use of a cationic polymer (e.g. chitosan and chitosan derivatives), a peptide (e.g. insulin or sodium colistimethate) and, alternatively, a polyanion. These formulations were prepared by self-assembly, via electrostatic interactions between the negatively charged drug and the positively charged polymers. An advantage of such formulations was to avoid the use of organic solvents during the preparation. Moreover, these formulations were characterized by bioadhesive properties and the use of chitosan derivatives as permeation enhancer was supposed to promote the intestinal absorption of macromolecules. The polymeric nanoparticles were all characterized by a mean diameter lower than 300 nm and a positive zeta potential that was ranged between +24 mV and +40 mV. The bioadhesive properties were found to be enhanced with a decrease of the nanoparticles diameter, as well as, by an increase of the zeta potential. The encapsulation efficiencies were found to be always higher than 40%. It was demonstrated that dissolution profiles of the encapsulated peptide from the polymeric nanoparticles was greatly influenced by the nature of the polymer (e.g. derivatization degree) and the use of a polyanion. A proper selection of both materials allowed getting a sustained-release of the peptide over 210 minutes. An effective protection against digestive enzymes was also demonstrated. Moreover, it was shown that the diffusion of insulin through Caco-2/HT-29 cell monolayers was increased when encapsulated in polymeric nanoparticles compared to a solution of raw insulin (e.g. 3.9 ± 0.5% vs. 1.2 ± 0.3% after 240 min.). Interestingly, it was also proved that the in vivo biologic activity of insulin was not altered during the formulation process.The so-called water-in-oil-in-water (W/O/W) double emulsion technique was used to produce the cationic solid lipid nanoparticles (cSLN). With the double emulsion method, the first emulsion is water in oil, which means that the protein is dissolved into the inner aqueous phase, emulsified with an organic phase including the lipids. This first emulsion was then emulsified with an outer aqueous phase including surfactants. The organic solvent was removed by evaporation to get solid lipid nanoparticles. It was decided to select cationic lipids to get ionic interactions between the positively charged surface of the cSLNs and the negative charges present in the mucus at the surface of the intestinal tract. The mean diameter of the cSLN remained lower than 300 nm and the zeta potential was always higher than +33 mV. The encapsulation efficiency was ranged between 30% and 42% and all the formulations were characterized by bioadhesive properties. Moreover, it was demonstrated that the cSLN allowed an effective protection against digestive enzymes (e.g. pepsin and trypsin). The dissolution profiles of the insulin from the cSLN were characterized by a biphasic release. There was an initial burst release in the first 30 min, followed by a sustained release of the peptide. Moreover, compared to free insulin in solution, these formulations significantly increased the passage of the encapsulated insulin through Caco-2/HT-29 cell monolayer to reach 2.9 ± 0.4% after 4h for the cSLN, instead of. 1.2 ± 0.3% for the unencapsulated raw insulin. Finally, as for the previous formulation based on chitosan, the peptide and its biological activity were preserved during the formulation process.In order to confirm that the developed formulations could be used with others peptides and proteins, similar formulations were developed with sodium colistimethate, a prodrug of a polypeptide antibiotic, the colistine.After these in vitro characterizations, the best formulation of each type containing insulin was selected to perform in vivo evaluation. Both polymeric and lipidic formulations were orally administered by the mean of an enterosoluble capsule. Glycemia in rat was monitored and compared to that obtained after a subcutaneous injection, as well as an oral administration of insulin solution. The results showed a tremendous decrease of the glycemia after the oral administration of our formulations. For the chitosan-based formulation, which was administered to eleven animals (100 IU/kg), a tremendous decrease of glycemia was observed in two animals, leading to their death by hypoglycemia. These results could be explained by an early dissolution of the capsule in the stomach, leading to the early release of our formulations. For the cSLN containing insulin and administered at 50 IU/kg, the mean decrease of the glycemia was 28 ± 7%. Nevertheless, consequent variability was observed for the highest decrease of the glycemia (20.8% - 42.2%) as well as for the time need to get this highest decrease (180 – 330 minutes). This variability can also be explained by an early dissolution of the capsule in the stomach and, even if these lipid formulations were stable in gastric media, their bioadhesive properties prevent them to reach the intestine.In the future, it would be interesting to simultaneously follow the capsule pathway and its content. This could be done by medical imaging and would help to understand the variability that was observed during our in vivo evaluation. It would also be interesting to evaluate more deeply the passage mechanism through the intestinal epithelium. Such studies have been done in vitro and ex vivo but not in vivo to the best of our knowledge.