Résumé : La prévalence de l’allergie à l’arachide semble s’élever entre 0.6 et 1.9% de la population générale. Elle se caractérise par des doses déclenchantes particulièrement faibles. Des doses de l’ordre du milligramme sont suffisantes pour déclencher une réaction objectivable. Les valeurs de ED05 et de ED50 sont respectivement estimables à 7.3 mg, et de 100mg jusqu’à 1000 mg. Les réactions cliniques peuvent s’avérer très sévères et mener à des chocs anaphylactiques létaux. Or, l’examen du contenu et des différents allergènes qui ont été décrits ne permettent pas de pointer des caractéristiques qui pourraient expliquer ces éléments. Dix-sept allergènes ont été décrits dans l’arachide (Ara h 1 à 17). Ils appartiennent à des familles largement présentes parmi les protéines alimentaires végétales (Viciline, conglutine, …). Si l’on examine les raisons usuellement invoquées pour expliquer l’allergénicité des protéines (nombres d’épitopes, résistance à la protéolyse et aux traitements physico-chimiques, glycosylation, …) on constate que les allergènes de l’arachide, dans leur ensemble, possèdent ces propriétés sauf l’activité enzymatique qui n’avait pas été décrite jusqu’alors. Dès lors les deux premiers objectifs de ce travail ont consisté d’une part à mettre en évidence la présence d’activité protéolytique dans les graines, et d’autre part de tenter de purifier la protéase par des techniques de chromatographie, de la caractériser par des tests d’inhibition et de l’identifier. Le troisième objectif fut de déterminer si l’activité protéolytique pouvait avoir un rôle dans la sévérité de la réaction allergique. A cette fin nous avons mesuré les productions d’anaphylatoxine C3a et C5a et évalué le rôle de l’activité protéolytique dans l’activation du système du complément par la mesure de la production du complexe d’attaque membranaire SC5b-9. Le quatrième objectif consistait déterminer si l’activité protéolytique avait une influence sur la perméabilité tissulaire via la mesure de la lyse des jonctions serrées à l’aide d’un modèle de culture cellulaires MDCK.Partie Expérimentale-RésultatsLes extractions de protéines et les différentes chromatographies effectuées nous ont fourni une séquence de purification (IEX, Benzamidine et Thiopropyl) qui nous a permis d’isoler, de façon répétable, une protéine active d’un poids de 30-35 kDa dont l’activité est de type thiol-sérine protéase. En effet, l’activité protéolytique n’est pas inhibée par des inhibiteurs d’aspartique protéase (pepstatine) ni de métallo-protéase (EGTA, EDTA, O-phénanthroline), mais elle est totalement inhibée par les inhibiteurs de sérine protéase (PEFABLOC, TLCK, Benzamidine), partiellement par les inhibiteurs de cystéine protéases (MMTS, iodoacétamide, E64) et qu’elle interagit avec le thiopropyl et le PEG. Son séquençage n’a pas permis de l’identifier de façon certaine mais révèle qu’elle présente des homologies avec la conglutine-7 (Ara h 2), et des analogies avec la conglutine-γ du lupin, décrite comme sérine protéase. Concernant la réaction allergique, l’activité protéolytique de l’arachide induit clairement une production d’anaphylatoxines C3a et C5a dans les sérums et plasmas in vitro. De plus, les dosages du SC5b-9 ont démontré la production du complexe d’attaque membranaire. Cette activation du complément se fait de manière totalement indépendante des voies classique, alterne, ou des lectines. En effet, nous n’avons pas décelé de production de C3 convertase (tests d’hémolyse nuls et dosage de Bb) alterne et nous avons extrait et vérifier l’inactivité protéolytique des lectines de l’arahide. Enfin, les tests réalisés sur cultures cellulaires ont montré que l’activité protéolytique de l’arachide induit la lyse de l’occludine au sein des jonctions serrées, induisant de ce fait une augmentation de la perméabilité pouvant favoriser la pénétration des allergènes. Conclusions et PerspectivesNotre travail met en évidence la présence d’une activité protéolytique de type thiol-sérine protéase qui est d’une part responsable de la production d’anaphylatoxine C3a et C5a de façon totalement indépendante des voies d’activation du complément, et qui mène à la formation du MAC et d’autre part, d’affecter la perméabilité cellulaire en lysant l’occludine au sein des jonctions serrées. Nous émettons également l’hypothèse de l’influence de l’activité protéolytique de l’arachide en tant que « facilitateur » de la réaction allergique au vu des quantités d’anaphylatoxine produites et de son influence sur la perméabilité tissulaire, ainsi que de la sensibilisation à l’allergie via la potentialité d’une action sur les CD23, les PARs, et du C3a et C5a produits sur leurs récepteurs en surface des APCs.PublicationIsolation of a thiol-dependent serine protease in peanut and investigation of its role in the complement and the allergic reaction. Cédric Javaux, Patrick Stordeur, Mohamed Azarkan, Françoise Mascart, Danielle Baeyens-Volant. Molecular Immunology 75 (2016) 133–143.