Résumé : L’hypothèse centrale de notre recherche porte sur les processus de symbolisation du sujet qui sont multiples et singuliers et sur le fait qu’il existe, en dehors d’une voie commune, toute tracée, qui consiste à « symboliser la symbolisation », d’autres chemins psychiques, d’autres formes de symbolisation, d’autres voies d’invention subjective alternatives à ce qu’on appelle la symbolisation, mais qui viennent occuper chez le sujet des fonctions similaires dans son économie subjective et relationnelle (rapport au corps, à l’autre, à l’inscription dans le lien social). Pour mettre à l’épreuve de la clinique ces hypothèses et ces questionnements, nous avons utilisé la médiation théâtrale comme laboratoire offrant quelque chance de saisir ce qui, pour les sujets qui y sont engagés, était susceptible d’acquérir un statut d’invention, de relever le cas échéant leur diversité, leurs caractéristiques et les fonctions psychiques qu’elles peuvent remplir pour le sujet qui l’élabore. Cette recherche a permis de mettre au jour la singularité des solutions repérées, celle des points d’appui et des fonctions y associées, l’importance du parcours de vie pour repérer à la fois la logique du sujet, ses anciennes solutions, et les fonctions qu’il se construit et, enfin, l’importance du cadre, du groupe et du transfert dans le travail d’invention du sujet. Par ailleurs, les fonctions de ces dynamiques inventives présentent également une grande diversité. Que ce soient la remise à l’honneur de l’imaginaire, sa relance, le réglage de la distance à l’autre, l’appui sur le cadre, sur le méta-cadre (avec la notion d’habit, d’étoffe, de masque, de peau psychique qui se tisse, de confrérie), que ce soient les idéaux en « prêt-à-porter » ou même un délire plus à même de cadrer la jouissance, que ce soient encore la polysémisation, l’approche de l’équivoque par la métaphore, par la poésie, par ce que nous avons appelé « la mise en trou », nous pouvons conclure, au terme de ce travail, que si la symbolisation au sens classique du terme constitue bien une suppléance possible pour le sujet, il existe beaucoup d’autres voies d’invention lui permettant de se construire des points d’appui singuliers. Enfin, même si les dynamiques inventives vont souvent concerner plusieurs de ces appuis, leurs fonctions peuvent se regrouper autour de quatre grands axes. Nous avons d’abord les relances de l’imaginaire, et le plaisir à inventer, à représenter ce qui n’est pas là. Nous avons encore la fonction d’un mode d’emploi pour régler son existence, des balises sur lesquelles s’appuyer pour répondre à « que suis-je là » et « que me veut l’autre ». Par ailleurs, le témoignage, la transformation, ou la métaphorisation de ces récits (dans un usage poétique qui permet d’approcher le réel, le hors-sens), demeurent également une fonction possible de l’invention du sujet, mais avec toujours en filigrane le travail de la place du sujet, quand il s’agit d’être aux commandes de son récit et de sa mise en forme. Enfin, le branchement-débranchement est une des fonctions majeures du travail d’invention repéré au cours de l’atelier. Reconstruire du sens, de l’identitaire, du pulsionnel, se bâtir un nouveau mode d’emploi, une nouvelle façon d’habiter le monde, et de « faire avec » soi et l’autre, selon la logique singulièrement subjective de chaque sujet, il nous semble que cette clinique de l’invention ouvre par-là, pour le sujet, des possibilités de mise au travail fécondes.