Résumé : Ce travail de thèse vise à l’identification des voies de signalisation cellulaires responsables de la régulation de l’expression des gènes humains DUOX dans la thyroïde. Les protéines DUOX1 et DUOX2 sont exprimées à la membrane apicale du thyrocyte, grâce à leur facteur de maturation DUOXA, et participent à la synthèse des hormones thyroïdiennes à travers la génération de peroxyde d’hydrogène. Les voies de signalisation et les facteurs de transcription contrôlant l’expression des gènes DUOX ne sont pas clairement définis dans les thyroïdes humaines et murines mais plusieurs études ont démontré une augmentation de leur expression via des cytokines inflammatoires dans des lignées cellulaires humaines. L’existence de cytokines susceptibles de réguler positivement l’expression des DUOX dans les thyrocytes a grandement suscité notre intérêt. En effet, il importe de comprendre les mécanismes responsables de leur expression car les protéines DUOX sont de plus en plus associées à des cancers et des maladies inflammatoires chroniques. Dans ce travail de recherche, il a été mis en évidence que les cytokines de type Th2 interleukine-4 et interleukine-13 augmentent la production de peroxyde d’hydrogène dans les thyrocytes humains en culture primaire suite à une induction des protéines DUOX2 et DUOXA2. L’interleukine-4 augmente aussi l’expression des couples de gènes Duox1/Duoxa1 et Duox2/Duoxa2 dans les thyrocytes murins, générant ainsi plus de peroxyde d’hydrogène. La stimulation par l’interleukine-4 et l’interleukine-13 dans les thyrocytes humains est dépendante du récepteur IL4RII et de l’activation de la voie de signalisation JAK1/STAT6. L’effet de l’interleukine-4 est contrecarré par la cytokine de type Th1 interféron-ɣ et est associée à une augmentation de l’expression de la protéine SOCS-1 qui bloque la fonction du facteur de transcription STAT6. L’induction de l’expression des gènes DUOX2/DUOXA2 dans des thyroïdes provenant de patients atteints de la maladie de Graves où le taux d’interleukine-4 sérique est susceptible d’être augmenté n’a pas pu être mise en évidence.In vitro, la mise en culture primaire affecte l’état de différenciation des thyrocytes murins ; en effet l’expression des marqueurs de la fonction thyroïdienne Nis, Tpo, Duox2 et Duoxa2 est diminuée, ce qui n’est pas le cas pour les gènes Duox1 et Duoxa1. Nous avons alors été convaincus de poursuivre l’étude de la régulation des Duox dans un système in vivo. Nous avons généré une nouvelle souris transgénique Thyr-IL-4, dans la souche C57BL/6J, surexprimant spécifiquement l’interleukine-4 dans la thyroïde. Deux lignées indépendantes de souris transgéniques ont été analysées. La souris Thyr-IL-4 a un phénotype euthyroïdien bien que la morphologie de ses follicules thyroïdiens soit altérée par une augmentation inattendue de leur taille. L’analyse du profil d’expression des gènes montre une forte induction de Duox1, Duoxa1 et Slc26a4 (Pendrine) dans les thyroïdes transgéniques ; il n’y a pas de modification de l’expression des gènes Duox2 et Duoxa2, tandis que l’expression du marqueur thyroïdien Slc5a5 (Nis) est diminuée. La surexpression de Duox1 est liée à une augmentation de la production de peroxyde d’hydrogène dans les tissus thyroïdiens transgéniques ex vivo, sans engendrer de dégâts cellulaires in vivo. Nous montrons pour la première fois la régulation de l’expression du gène et de la protéine Pendrine par l’interleukine-4 dans la thyroïde. La diminution de l’expression de Nis est associée à une diminution de captation de l’iode par les thyrocytes et du taux de thyroglobuline liée aux hormones thyroïdiennes T3 et T4 dans les thyroïdes transgéniques. Ces modifications d’expression de marqueurs thyroïdiens n’induisent pas un phénotype hypothyroïdien mais les souris jeunes Thyr-IL-4 sont plus susceptibles que les souris sauvages à développer une hypothyroïdie lorsqu’elles sont carencées en iode. Enfin nous n’observons pas d’infiltration leucocytaire majeure chez nos souris, pourtant l’expression de gènes impliqués dans des voies de signalisation immunitaires est augmentée. Suite à l’induction d’une réaction immunitaire dirigée contre le récepteur de la TSH, nous avons observé une réponse inflammatoire plus marquée dans les souris Thyr-IL-4 par rapport aux souris sauvages caractérisée par une infiltration leucocytaire CD45+ plus importante.