par Artois, Pierre
Référence XXVIIIème Colloque européen du Réseau Européen de Formation Universitaire en Travail Social - "Emergences» sociales, savoirs et professions" (Du 28 au 30 juin 2017: Università degli Studi di Firenze, Italia)
Publication Non publié, 2017-06-29
Communication à un colloque
Résumé : L’intervention sociale, notion par moment floue, regroupe traditionnellement l’ensemble des métiers du domaine social abordant les interventions sur et avec autrui. Ces différents métiers rentrent régulièrement en dissonance avec les professions canoniques et historiques du travail social. Pourtant, l’ensemble de ces différentes activités revêtent des formes d’instabilité et de redéfinitions larges, qui sont régulièrement abordées à travers la notion de professionnalisation.Cette conférence interrogera la polysémie des modalités de professionnalisation contemporaines des groupes professionnels présents au sein du champ de l’intervention sociale face à la question de l’émergence sociale. Elle s’inscrit au croisement de la sociologie du travail et des groupes professionnels se centrant sur les aides familiales comme clef d’entrée d’une analyse de l’évolution de l’autonomie professionnelle. Les modalités de professionnalisation au sens large restant l’objet substantif. Nous aborderons la professionnalisation comme un folk concept (Beker, 1962) afin de saisir les enjeux centraux au cœur de ces processus, que sont la division du travail et l’adéquation formation-emploi. Ce faisant, nous traduisons la professionnalisation comme un processus temporel mais aussi social. Un mouvement dialectique qui s’initie de façon endogène par un groupe de travailleurs et est négocié de façon exogène par des acteurs extérieurs entrant en relation avec ces travailleurs. En ce sens, nous considérons que la professionnalisation est un prisme pour examiner les rapports sociaux de travail qui cristallisent le fait professionnel contemporain, entre sens idéal et réel, résultant de conflits et négociations. (Artois, 2014). Autrement dit, l’analyse de la professionnalisation nous permet de saisir l’autonomie professionnelle, c’est-à-dire la faculté d’un groupe de travailleurs concernés à peser dans la définition de leur travail et de la formation liée à l’exécution de ce travail (Brint, 2006).Afin de faire voyager les participants au colloque au sein de ces différentes modalités, nous avons choisi de centrer notre analyse sur un groupe professionnel méconnu, en recherche de reconnaissance et dont les incertitudes sur le travail pèsent à cause des redéfinitions émises par les politiques d’emplois le concernant suite aux changements démographiques et sociétaux affectant l’ensemble de la société. Ce groupe professionnel doit faire face à nombres d’enjeux que la littérature résume sous le vocable « nouveaux besoins sociaux » faisant référence aux nouvelles problématiques de l’émergence/urgence sociale.Notre hypothèse centrale est que la professionnalisation désigne des phénomènes problématiques ; qu’elle ne vise pas exclusivement à autonomiser un groupe de travailleurs sur le marché du travail afin qu’ils obtiennent un statut. Elle peut également servir à valoriser une activité afin de légitimer et développer la reconnaissance des organisations prestataires du dit travail. Pour ce faire, nous sommes partis d’un cadre analytique original et novateur croisant les différentes modalités mentionnées dans la littérature pour en faire une typologie permettant de saisir l’hétérogénéité des phénomènes que recouvre la professionnalisation. Nous avons commencé par retracer les conditions sociohistoriques de constitution du groupe à travers une recherche documentaire agrémentée par un travail ethnographique et d’observations participantes. Lors de notre recherche et afin de tester nos hypothèses, nous avons opté pour des méthodologies mixtes. 412 questionnaires furent ainsi récoltés auprès des fédérations employeuses du secteur pour cerner les identités professionnelles revendiquées et convoquées. De même, une trentaine d’entretiens semi-dirigés ont été réalisé pour approfondir l’analyse en termes de trajectoires biographiques et d’évolutions des pratiques. Nos principaux résultats se traduisent par une innovation théorique, proposant de replacer des formes d’analyses structurannionistes dans la sociologie des groupes professionnelles. De plus, le processus de professionnalisation des aides familiales suit une catégorisation d’intervention publique où professionnaliser est synonyme de création d’emploi. Ce faisant, la professionnalisation devient un instrument idéologique, qui est repris progressivement sous une catégorisation gestionnaire détachant l’individu, pris comme travailleur professionnel, de la fonction qu’il exerce.BibliographieABBOTT A., 1988, The System of Professions: An Essay on the Division of Expert Labour, Chicago, Chicago University Press, 452 p.ACX R. (dir.), 2011, Le poids économique des associations en Belgique. Analyse quantitative (Editions 2011), Rapport de la Banque National de Belgique, n°2053, mars, 36 p.ARCQ E. et KRZESLO E., 2010, Le secteur non-marchand, In ARCQ et alii., Dynamique de la concertation sociale, Bruxelles, Editions du CRISP, pp. 367-383.ARTOIS P. (dir.), 2014, « Les Professionnalisations contemporaines », Travail Emploi Formation, n°11, 122p.ARTOIS P. et HAMZAOUI M. (dir.), 2013, « Reconfigurations de l’associatif. Salariat et reconnaissance du travail », Les Politiques Sociales, n°3&4, 126 p.BOUSSARD V., 2008, Sociologie de la Gestion. 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