Résumé : La Leucémie Lymphoïde Chronique (LLC) est la leucémie la plus fréquente des pays occidentaux. Cette maladie est caractérisée par l’accumulation de lymphocytes B (LB) monoclonaux (CD5+/CD19+/CD23+) dans le sang, la moelle et les organes lymphoïdes secondaires. Malgré d’importants progrès durant cette dernière décennie, la LLC reste incurable avec les traitements classiques. De manière intéressante, son évolution clinique est hétérogène : certains patients ne présenteront aucun symptôme alors que d’autres évolueront rapidement nécessitant une intervention thérapeutique. De nombreuses interactions entre les cellules leucémiques et le microenvironnement (ME) médullaire, composé entre autres de cellules stromales mésenchymateuses (CSM) sécrétant une matrice extracellulaire, jouent un rôle important dans la survie cellulaire et la résistance à la chimiothérapie. Actuellement la nature des communications entre le clone leucémique et son ME n’est pas encore complétement élucidée. Notre objectif est d’étudier l’impact des vésicules extracellulaires (VEs abréviées ici EVs) (microparticules et exosomes) du ME, spécifiquement des CSM, sur les LB de LLC. Dans la 1ère partie de ce travail, nous nous sommes intéressés à la caractérisation des microparticules (MPs) par cytométrie en flux (CMF). Cette technique est un des meilleurs moyens de déterminer le phénotype des MPs, elle permet d’étudier les vésicules de 300 nm à 1 µm, excluant donc les exosomes, dont la taille est inférieure à 100 nm. Nous avons ainsi pu caractériser les MPs provenant de plaquettes et d’érythrocytes grâce à la présence respective des antigènes CD41/61 et du CD235a. Par contre, concernant les antigènes classiques des cellules mononucléées (CD3-14-19-20-56), aucun antigène n’a pu être détecté sur les MPs provenant des lymphocytes T (LT), des monocytes, des LB normaux et leucémiques et des cellules ‘’natural killer’’ (NK). Le signal positif obtenu dans certains cas était la conséquence d’un marquage aspécifique. Nous avons dès lors proposé un contrôle négatif supplémentaire qui ne se limite pas à l’utilisation d’isotypes mais qui se base sur des marquages croisés. Grâce à ce travail, nous avons démontré que les MPs dérivant de cellules positives pour un antigène donné n’étaient pas automatiquement positives pour ce dernier. Dans la seconde partie du travail, nous avons étudié les MPs et les exosomes provenant du ME médullaire, regroupés sous le terme EVs. Nous avons démontré que leur intégration dans les LB de LLC est très rapide et qu’elle permet une diminution de l’apoptose ainsi qu’une augmentation de la viabilité et de la migration des cellules leucémiques. Les EVs augmentent leur chimiorésistance vis-à-vis de différents agents leucémiques. A l’aide de la technologie Affymetrix, nous avons comparé les profils d’expression génique des LB leucémiques, ayant reçu ou non des EVs du ME. Ces analyses ont mis en évidence 805 gènes différentiellement exprimés entre les deux conditions. Une grande partie de la signature obtenue suite à l’intégration des EVs, partage de nombreuses similitudes avec des signatures de LB de LLC ayant eu un contact avec des cellules nourricières ou ayant reçu différents stimuli. Le point commun parmi ces différentes signatures est l’activation de la voie du ‘’B-cell receptor’’ (BCR) ; les EVs de CSM semblent en effet avoir la capacité d’induire dans les LB de LLC une réponse semblable à celle d’une activation BCR. Dans cette étude, nous avons démontré que le ME médullaire, en plus d’interagir par contact direct avec les LB de LLC et par la production de facteurs solubles, est également capable d’influencer le comportement des cellules leucémiques via la production d’EVs. Nos données suggèrent un rôle important des EVs dans la survie cellulaire et l’évolution de la LLC et ouvrent donc la porte à de nouvelles cibles thérapeutiques.