Mémoire
Résumé : | Dans un petit pays d'Amérique latine exportateur de pétrole, l’Équateur, était lancée en 2007 l'Initiative (environnementale) Yasuní-ITT, projet qui consistait à laisser sous terre le quart des réserves de pétrole du pays en échange d'un compensation financière de la communauté internationale. Ce projet emblématique, élaboré sur base d'une nouvelle Constitution unique au monde consacrant les droits de la nature et des peuples indigènes, a cependant été abandonné le 15 août 2013. Outre le (néo-)extractivisme de ce pays, un autre phénomène est à remarquer depuis l'année 2009 : l’Équateur, qui n'a plus accès au marché des dettes souveraines depuis la restructuration de sa dette en 2008-2009, a sollicité un nombre croissants de prêts auprès de la Chine -dont une des particularités est justement leur garantie consistant en une vente de pétrole anticipée au profit du prêteur. L'extraction/exportation de pétrole est donc pour l’Équateur un moyen de s'insérer au sein d'une économie de marché mondialisée, de s'assurer les revenus nécessaires à la mise en œuvre des importantes politiques socio-économiques de son gouvernement progressiste -mais également de payer des dettes de plus en plus nombreuses vis-à-vis de la Chine. Nous décelons là une « liaison dangereuse », et nous nous demandons si ce pays n'est pas en train de perdre certains pans de sa souveraineté face aux marchés mondiaux de la production et de la finance. Dans le cas de ce travail, nous soupçonnons premièrement que ceux-ci sont à l'origine d'une perte de capacité de l’État équatorien de respect des droits de la nature et des peuples indigènes inscrits dans la Constitution ; deuxièmement qu'ils sont également source d'une perte de contrôle de la dette publique externe de l’État ; troisièmement, enfin, que cette insertion de l’Équateur dans l'économie mondialisée est la cause d'un phénomène de financiarisation croissante des ressources naturelles.Pour étudier une telle situation où s'entremêlent politique et économie internationales, nous avons choisi de mobiliser l’Économie Politique Internationale de Susan Strange -une des fondatrices de cette discipline. Sa thèse principale était que « les forces impersonnelles des marchés mondiaux [...] sont désormais plus puissantes que les États censés incarner l'autorité politique ultime sur la société et l'économie » (Strange 2011a : 29). Nous verrons que nos trois hypothèses se vérifient. La chute actuelle des prix mondiaux du pétrole, dont l’Équateur est excessivement dépendant, ne fait qu'aggraver la situation et accélérer le processus. Comme l'affirme Susan Strange, c'est « l'échec de l’État face à la mondialisation », un échec écologique, financier et social, du système westphalien face à la puissance structurelle des marchés mondiaux de la production et de la finance. |